Chapitre III. De l'éducation dans le gouvernement despotique

De LERDA
Aller à : navigation, rechercher

Comme l'éducation dans les monarchies ne travaille qu'a élever le cœur, elle ne cherche qu'à l'abaisser dans les États despotiques. Il faut qu'elle y soit servile. Ce sera un bien, même dans le commandement, de l'avoir eue telle, personne n'y étant tyran sans être en même temps esclave.

L'extrême obéissance suppose de l'ignorance dans celui qui obéit; elle en suppose même dans celui qui commande: il n'a point à délibérer, à douter, ni à raisonner; il n'a qu'à vouloir.

Dans les États despotiques, chaque maison est un empire séparé. L'éducation, qui consiste principalement à vivre avec les autres, y est donc très bornée: elle se réduit à mettre la crainte dans le cœur, et à donner à l'esprit la connaissance de quelques prin­cipes de religion fort simples. Le savoir y sera dangereux, l'émulation funeste; et, pour les vertus, Aristote ne peut croire qu'il y en ait quelqu'une de propre aux esclaves 1 ; ce qui bornerait bien l'éducation dans ce gouvernement.

L'éducation y est donc en quelque façon nulle. Il faut ôter tout, afin de donner quel­que chose; et commencer par faire un mauvais sujet, pour faire un bon esclave.

Eh! pourquoi l'éducation s'attacherait-elle à y former un bon citoyen qui prit pari au malheur public ? S'il aimait l'État, il serait tenté de relâcher les ressorts du gou­vernement: s'il ne réussissait pas, il se perdrait; s'il réussissait, il courrait risque de se perdre, lui, le prince, et l'empire.