Chapitre IV. Du principe de l'aristocratie

De LERDA
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Comme il faut de la ver-tu dans le gouvernement populaire, il en faut aussi dans l'aristocratique. Il est vrai qu'elle n'y est pas si absolument requise.

Le peuple, qui est à l'égard des nobles ce que les sujets sont à l'égard du monar­que, est contenu par leurs lois. Il a donc moins besoin de vertu que le peuple de la dé­mo­cratie. Mais comment les nobles seront-ils contenus? Ceux qui doivent faire exé­cu­ter les lois contre leurs collègues sentiront d'abord qu'ils agissent contre eux-mêmes. Il faut donc de la vertu dans ce corps, par la nature de la constitution.

Le gouvernement aristocratique a par lui-même une certaine force que la démo­cratie n'a pas. Les nobles y forment un corps, qui, par sa prérogative et pour son inté­rêt particulier, réprime le peuple: il suffit qu'il y ait des lois, pour qu'à cet égard elles soient exécutées.

Mais autant qu'il est aisé à ce corps de réprimer les autres, autant est-il difficile qu'il se réprime lui-même 7. Telle est la nature de cette constitution, qu'il semble qu'elle mette les mêmes gens sous la puissance des lois, et qu'elle les en retire.

Or, un corps pareil ne peut se réprimer que de deux manières: ou par une grande ver-tu, qui fait que les nobles se trouvent en quelque façon égaux à leur peuple, ce qui peut former une grande république; ou par une vertu moindre, qui est une certaine modération qui rend les nobles au moins égaux à eux-mêmes, ce qui fait leur con­servation.

La modération est donc l'âme de ces gouvernements. J'entends celle qui est fon­dée sur la vertu, non pas celle qui vient d'une lâcheté et d'une paresse de l'âme.