Chapitre XVIII. Des récompenses que le souverain donne

De LERDA
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Dans les gouvernements despotiques, où, comme nous avons dit, on n'est déter­miné à agir que par l'espérance des commodités de la vie, le prince qui récompense n'a que de l'argent à donner. Dans une monarchie, où l'honneur règne seul, le prince ne récompenserait que par des distinctions, si les distinctions que l'honneur établit n'étaient jointes à un luxe qui donne nécessairement des besoins: le prince y récom­pense donc par des honneurs qui mènent à la fortune. Mais, dans une république, où la vertu règne, motif qui se suffit à lui-même et qui exclut tous les autres, l'État ne récompense que par des témoignages de cette vertu.

C'est une règle générale, que les grandes récompenses dans une monarchie et dans une république sont un signe de leur décadence, parce qu'elles prouvent que leurs principes sont corrompus; que, d'un côté, l'idée de l'honneur n'y a plus tant de force; que, de l'autre, la qualité de citoyen s'est affaiblie.

Les plus mauvais empereurs romains ont été ceux qui ont le plus donné: par exem­­ple, Caligula, Claude, Néron, Othon, Vitellius, Commode, Héliogabale et Car­acalla. Les meilleurs, comme Auguste, Vespasien, Antonin Pie, Marc Aurèle et Pertinax, ont été économes. Sous les bons empereurs, l'État reprenait ses principes; le trésor de l'honneur suppléait aux autres trésors.