Chapitre III. Ce que c'est que l'amour de la république dans la démocratie

De LERDA
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L'amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie; l'amour de la démocratie est celui de l'égalité.

L'amour de la démocratie est encore l'amour de la frugalité. Chacun devant y avoir le même bonheur et les mêmes avantages, y doit goûter les mêmes plaisirs, et for­­­mer les mêmes espérances; chose qu'on ne peut attendre que de la frugalité générale.

L'amour de l'égalité, dans une démocratie, borne l'ambition au seul désir, au seul bonheur de rendre à sa patrie de plus grands services que les autres citoyens. Ils ne peuvent pas lui rendre tous des services égaux; mais ils doivent tous également lui en rendre. En naissant, on contracte envers elle une dette immense dont on ne peut jamais s'acquitter.

Ainsi les distinctions y naissent du principe de l'égalité, lors même qu'elle paraît ôtée par des services heureux, ou par des talents supérieurs.

L'amour de la frugalité borne le désir d'avoir à l'attention que demande le néces­saire pour sa famille et même le superflu pour sa patrie. Les richesses donnent une puissance dont un citoyen ne peut pas user pour lui; car il ne serait pas égal.

Elles procurent des délices dont il ne doit pas jouir non plus parce qu'elles cho­que­raient l'égalité tout de même.

Aussi les bonnes démocraties, en établissant la frugalité domestique, ont-elles ou­vert la poile aux dépenses publiques, comme on fit à Athènes et à Rome. Pour lors la magnificence et la profusion naissaient du fond de la frugalité même: et, comme la religion demande qu'on ait les mains pures pour faire des offrandes aux dieux, les lois voulaient des mœurs frugales pour que l'on pût donner à sa patrie.

Le bon sens et le bonheur des particuliers consistent beaucoup dans la médiocrité de leurs talents et de leurs fortunes. Une république où les lois auront formé beaucoup de gens médiocres, composée de gens sages, se gouvernera sagement; composée de gens heureux, elle sera très heureuse.