Chapitre IV. Différence des effets de l'éducation chez les anciens et parmi nous : Différence entre versions

De LERDA
Aller à : navigation, rechercher
(Page créée avec « Comme l'éducation dans les monarchies ne travaille qu'a élever le cœur, elle ne cherche qu'à l'abaisser dans les États despotiques. Il faut qu'elle y soit servile. Ce... »)
 
 
Ligne 1 : Ligne 1 :
Comme l'éducation dans les monarchies ne travaille qu'a élever le cœur, elle ne cherche qu'à l'abaisser dans les États despotiques. Il faut qu'elle y soit servile. Ce sera un bien, même dans le commandement, de l'avoir eue telle, personne n'y étant tyran sans être en même temps esclave.
+
La plupart des peuples anciens vivaient dans des gouvernements qui ont la vertu pour principe; et, lorsqu'elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd'hui, et qui étonnent nos petites âmes.
  
L'extrême obéissance suppose de l'ignorance dans celui qui obéit; elle en suppose même dans celui qui commande: il n'a point à délibérer, à douter, ni à raisonner; il n'a qu'à vouloir.
+
Leur éducation avait un autre avantage sur la nôtre; elle n'était jamais démentie. Épaminondas, la dernière année de sa vie, disait, écoutait, voyait, faisait les mêmes choses que dans l'âge où il avait commencé d'être instruit.
  
Dans les États despotiques, chaque maison est un empire séparé. L'éducation, qui consiste principalement à vivre avec les autres, y est donc très bornée: elle se réduit à mettre la crainte dans le cœur, et à donner à l'esprit la connaissance de quelques prin­cipes de religion fort simples. Le savoir y sera dangereux, l'émulation funeste; et, pour les vertus, Aristote ne peut croire qu'il y en ait quelqu'une de propre aux esclaves 1 ; ce qui bornerait bien l'éducation dans ce gouvernement.
+
Aujourd'hui, nous recevons trois éducations différentes ou contraires: celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu'on nous dit dans la dernière ren­verse toutes les idées des premières. Cela vient, en quelque partie, du contraste qu'il y a parmi nous entre les engagements de la religion et ceux du monde; chose que les anciens ne connaissaient pas.
 
+
L'éducation y est donc en quelque façon nulle. Il faut ôter tout, afin de donner quel­que chose; et commencer par faire un mauvais sujet, pour faire un bon esclave.
+
 
+
Eh! pourquoi l'éducation s'attacherait-elle à y former un bon citoyen qui prit pari au malheur public ? S'il aimait l'État, il serait tenté de relâcher les ressorts du gou­vernement: s'il ne réussissait pas, il se perdrait; s'il réussissait, il courrait risque de se perdre, lui, le prince, et l'empire.
+

Version actuelle en date du 30 mars 2015 à 23:08

La plupart des peuples anciens vivaient dans des gouvernements qui ont la vertu pour principe; et, lorsqu'elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd'hui, et qui étonnent nos petites âmes.

Leur éducation avait un autre avantage sur la nôtre; elle n'était jamais démentie. Épaminondas, la dernière année de sa vie, disait, écoutait, voyait, faisait les mêmes choses que dans l'âge où il avait commencé d'être instruit.

Aujourd'hui, nous recevons trois éducations différentes ou contraires: celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu'on nous dit dans la dernière ren­verse toutes les idées des premières. Cela vient, en quelque partie, du contraste qu'il y a parmi nous entre les engagements de la religion et ceux du monde; chose que les anciens ne connaissaient pas.