Intelligence

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Modèle:Siècle Emprunté au Modèle:Étyl, « faculté de percevoir, compréhension, intelligence », dérivé de intellĕgĕre (« discerner, saisir, comprendre »), composé du préfixe inter- (« entre ») et du verbe lĕgĕre (« cueillir, choisir, lire »). Étymologiquement, l’intelligence consiste à faire un choix, une sélection.

Modèle:S

Modèle:Fr-rég intelligence Modèle:Pron ou Modèle:Pron Modèle:F

  1. Faculté de comprendre, de ne pas se méprendre sur le sens des mots, la nature des choses et la signification des faits.
    • Cependant les femmes de Lima gouvernent les hommes parce qu’elles leur sont bien supérieures en intelligence et en force morale. Modèle:Source
    • Rien ne surexcite l’intelligence, je vous assure, comme de tuer un camarade qui possède trente billets de mille francs. Modèle:Source
    • Confucius était un moraliste qui se méfiait de l’intelligence ; le terre à terre des relations humaines lui plaisait mieux que la spéculation ondoyante. Modèle:Source
    • L’intelligence humaine, l’intelligence animale, l’intelligence du chien, des chimpanzés, etc.
  2. Activité volontaire et réfléchie de l’homme s’exerçant d’une façon normale en vue de la connaissance et s’opposant à l’instinct.
    • L’intelligence de l’homme qui s’est étendue sur toutes les branches de l’industrie et de la science n’a pas laissé de côté l’amélioration du cheval […] Modèle:Source
    • Voilà un sujet où peut se montrer l’intelligence, plus que la mémoire.
  3. (Sans épithète) Développement des facultés de comprendre et de raisonner au-dessus de la moyenne.
    • Cet homme a de l’intelligence.
  4. Connaissance approfondie, compréhension nette et facile.
    • Pour l’intelligence des faits qui vont suivre, il faut que nos lecteurs consentent à remonter avec nous dans le passé. Modèle:Source
    • Il m’a donné l’intelligence de ce passage.
    • Il a l’intelligence des écritures.
    • L’intelligence d’un texte.
  5. Modèle:Par ext Personnage doué d’intelligence.
    • Toutes les grandes intelligences s’astreignent à quelque travail mécanique afin de se rendre maîtres de la pensée. Spinoza dégrossissait des verres à lunettes, Bayle comptait les tuiles des toits, Montesquieu jardinait. Modèle:Source
    • Le jugement et la condamnation morale sont un mode de vengeance favori chez les intelligences bornées à l’égard des intelligences qui le sont moins. Modèle:Source
  6. Aptitude, capacité particulière, don pour une activité.
    • Ce peintre a l’intelligence du clair-obscur, de la lumière, des effets de lumière.
    • Il n’a pas l’intelligence du commerce, des affaires.
  7. Modèle:Particulier Adresse, habileté, et s’applique surtout au choix des moyens employés pour obtenir un résultat.
    • Quelle qu’ait été l’importance pratique de la surexcitation populaire, il est indéniable que le gouvernement des États-Unis a agi avec vigueur, avec science et intelligence en face de cette invasion tout à fait inattendue. Modèle:Source
  8. Généralement précédé d’un adjectif (le plus souvent: bonne) Accord, entente, harmonie, union de sentiments.
    • Ils sont, ils vivent en assez bonne, en très bonne, en parfaite intelligence.
    • Il est survenu un démêlé qui a rompu leur bonne intelligence.
    • La meilleure intelligence subsiste entre ces deux gouvernements.
  9. Correspondance, communication entre des personnes qui s’entendent l’une avec l’autre ; connivence.
    • Ils comprirent que leur jeune camarade désirait se servir de leurs traits comme de deux guides, et répondirent par un signe d’intelligence. Modèle:Source
    • Il y a de l’intelligence entre eux. - Faire à quelqu’un des signes d’intelligence.
  10. Modèle:Particulier Modèle:Au pluriel Ententes, conventions secrètes.
    • Ernest résolut de se faire un ami de Butscha, sans se douter que la loquacité du clerc avait eu pour but principal de se ménager des intelligences chez Canalis. Modèle:Source
    • Pourtant, à votre place, j’aurais un peu moins parlé des péchés du duc de Savoie, et un peu plus de ses intelligences présumées avec le syndic de la garde, chef de toute les forces de la ville […] Modèle:Source

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Du Modèle:Étyl.

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Modèle:En-nom-rég intelligence Modèle:Pron

  1. Modèle:Indén Renseignements, en particulier concernant l’ennemi.
    • The intelligence with which Lestrade greeted us was so momentous and so unexpected...
      Les renseignements que nous apportait Lestrade étaient si graves et si inattendus. (A Study in Scarlet, Arthur Conan Doyle)
    1. Modèle:Méton Renseignement, espionnage (pour désigner une administration qui a l’autorité pour procéder à ces choses).
  2. Intelligence (faculté de comprendre).
    1. Modèle:Part Intelligence (activité réfléchie de l’Homme).
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Ce mot est généralement considéré comme un faux-ami en français, car son sens « intelligence » est très minoritaire par rapport au sens « renseignement ».

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Accadémie française



Quatrième édition

Faculté intellective, capacité d'entendre, de comprendre. Cet homme a l'intelligence dure, vive, prompte, tardive, &c. Il a de l'intelligence, peu d'intelligence. Il signifie aussi, Connoissance, compréhension. L'intelligence des langues, des affaires. Parfaite intelligence. Grande intelligence. Il m'a donné l'intelligence de ce passage. Il a l'intelligence des Pères, de l'Écriture. En termes de Peinture, il se dit Des parties qui ont plus de rapport au goût de l'Artiste, qu'à l'étude & au travail. Ainsi on dit, La science du dessein, & l'intelligence du clair obscur. Il signifie aussi, Amitié réciproque, union de sentimens. Ils sont en bonne intelligence, en parfaite intelligence. Il est survenu un démêlé qui a rompu leur intelligence. Il signifie aussi, Correspondance, communication entre des personnes qui s'entendent l'un avec l'autre. Ils sont d'intelligence, ils ont intelligence l'un avec l'autre pour vous surprendre, pour vous tromper. Il y a de l'intelligence entre eux. Avoir, entretenir intelligence avec les ennemis, des intelligences secrettes. Il entretenoit des intelligences dans cette Place pour la surprendre. L'intelligence a manqué. Double intelligence.

INTELLIGENCE, signifie aussi Une substance purement spirituelle. Dieu est la souveraine Intelligence, la suprême Intelligence. On appelle les Anges, Les Intelligences célestes.


Neuvième édition

XIIe siècle. Emprunté du latin intellegentia, intelligentia, « action de discerner, de comprendre ».

★I. Ensemble des facultés intellectuelles. ☆1. Faculté de comprendre, de concevoir, de connaître, et notamment faculté de discerner ou d'établir des rapports entre des faits, des idées ou des formes pour parvenir à la connaissance. L'intelligence humaine. Le développement de l'intelligence. Faites appel à votre intelligence plus qu'à votre mémoire. Exercer son intelligence. Cet homme a l'intelligence vive, lente. Il lui faudra beaucoup d'intelligence pour résoudre ce problème. Absolt. Avoir de l'intelligence, comprendre et raisonner avec aisance, rapidité. • Par anal. L'intelligence du cœur, discernement intuitif qui supplée, dans certaines situations, les qualités intellectuelles. Intelligence artificielle, voir Artificiel. • Par méton. Être doué de la faculté de penser, esprit. Ce livre est à la portée de toutes les intelligences. C'est une intelligence supérieure. THÉOL. Être immatériel, purement spirituel. Dieu est la souveraine Intelligence, la suprême Intelligence. ☆2. Par ext. Aptitude à adapter son comportement à une situation nouvelle, adresse qu'on montre dans une situation donnée, habileté dans le choix des moyens qu'on emploie pour parvenir à un certain résultat. Montrer de l'intelligence, manquer d'intelligence dans la conduite d'une affaire. Il s'est acquitté de sa mission avec intelligence. Il a eu l'intelligence de se taire. • Se dit aussi pour des animaux. L'intelligence d'un chien, d'un singe. ☆3. Par méton. Connaissance approfondie, compréhension nette et facile qu'on a de quelque chose. Une parfaite intelligence d'un texte. Avoir l'intelligence des affaires, de la politique. • Loc. Pour l'intelligence de, pour avoir une bonne compréhension, une connaissance exacte de. Pour l'intelligence de cette affaire, de la chose, il ne faut omettre aucune circonstance dans votre récit.

★II. Entente entre deux ou plusieurs personnes. ☆1. Accord de pensée ou union de sentiments (le plus souvent précédé d'un adjectif). Ils sont en parfaite intelligence. Ce démêlé n'a pas rompu leur intelligence, leur bonne intelligence. Ces voisins vivent en mauvaise intelligence, ne s'entendent pas. ☆2. Complicité, connivence. Être d'intelligence avec quelqu'un. Ils sont d'intelligence pour vous surprendre, pour vous tromper. Le témoin était d'intelligence avec la partie adverse. Faire à quelqu'un des signes d'intelligence. Être accusé d'intelligence avec l'ennemi, de trahison. • Spécialt. Au pluriel. Relations secrètes. Entretenir des intelligences avec une puissance étrangère. Par méton. L'assiégeant avait des intelligences dans la place.


DMF 1330-1500


[T-L : intelligence ; GDC : intelligence ; DEAF, I337 : intelligence ; AND : intelligence ; FEW IV, 738b : intellegentia ; TLF X, 378b : intelligence]

I. - PHILOS. RELIG. [Comme faculté]

  • A. - [Comme faculté humaine]
  • 1. [Synon. de ame intellective (p. oppos. à l'âme végétative des plantes et à l'âme sensitive des animaux)] "Intellect, faculté de :concevoir et de comprendre"
  • 2. "Une des trois facultés de l'ame intellective (les deux autres étant la memoire et la volonté, facultés qui lui permettent de s'approcher de la compréhension de Dieu), intellect" (synon. entendement)
  • 3. "Force divine, Dieu"
  • B. - "Être doué d'intellect, entité ou substance considérée comme douée d'intellect"
  • 1. "Être doué d'intellect, entité douée d'intellect"
  • 2. "Substance considérée comme douée d'intellect"

II. - "Fait de comprendre, de se comprendre"

  • A. - Intelligence de qqc. "Fait de comprendre qqc."
  • B. - "Fait de se comprendre, accord entre des personnes ou des groupes de personnes qui s'entendent pour agir dans le même sens"

English

Modèle:Wikipedia

Etymology

From Modèle:Etyl Modèle:M, from Modèle:Etyl Modèle:M.

Pronunciation

Noun

Modèle:En-noun

  1. Modèle:Label Capacity of mind, especially to understand principles, truths, facts or meanings, acquire knowledge, and apply it to practice; the ability to learn and comprehend.
    • 1912, Modèle:W, Modèle:W, Chapter 5
      Not so, however, with Tarzan, the man-child. His life amidst the dangers of the jungle had taught him to meet emergencies with self-confidence, and his higher intelligence resulted in a quickness of mental action far beyond the powers of the apes.
    • Modèle:Quote-magazine
  2. Modèle:Label An entity that has such capacities.
    • Tennyson
      The great Intelligences fair / That range above our mortal state, / In circle round the blessed gate, / Received and gave him welcome there.
  3. Modèle:Label Information, usually secret, about the enemy or about hostile activities.
  4. Modèle:Label A political or military department, agency or unit designed to gather information, usually secret, about the enemy or about hostile activities.
  5. Modèle:Label Acquaintance; intercourse; familiarity.
    • Clarendon
      He lived rather in a fair intelligence than any friendship with the favourites.

Modèle:Rfex

Synonyms

Derived terms

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Translations

Modèle:Trans-top

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French

Etymology

From Modèle:Etyl Modèle:M, from Modèle:M, from Modèle:M + Modèle:M.

Pronunciation

Noun

Modèle:Fr-noun

  1. intelligence; cleverness
  2. comprehension

External links


Italian

Etymology

Modèle:Etyl Modèle:M.

Noun

Modèle:Head

  1. A political or military department, agency or unit designed to gather information.

Middle French

Noun

Modèle:Frm-noun

  1. intelligence
  2. comprehension

Old French

Noun

Modèle:Fro-noun

  1. comprehension
  2. meaning
  3. ability to comprehend

Descendants

References


CNTRL


I. − [Chez les êtres animés] Fonction mentale d'organisation du réel en pensées chez l'être humain, en actes chez l'être humain et l'animal. Il n'y a cependant aucune incompatibilité entre l'action et la pensée dans une intelligence complète (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 137).L'intelligence n'est pas seulement la faculté d'expliquer le monde, mais la faculté de s'expliquer avec lui (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 102): 1. L'intelligence et l'instinct étant donc communs, quoique à divers degrés, aux animaux et à l'homme, qu'est-ce qui distingue celui-ci? Selon F. Cuvier, c'est la réflexion ou la faculté de considérer intellectuellement, par un retour sur nous-mêmes, nos propres modifications. Proudhon, Propriété,1840, p. 322. − P. anal. [Dans certains systèmes philos., dans certaines conceptions relig. ou certaines visions poét. animistes] Les anciens donnèrent au monde une grande ame, et une immense intelligence, dont toutes les ames et les intelligences particulieres étaient émanées (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 488).Peut-on admettre qu'une intelligence infinie ait créé l'homme, et supposer que telle qu'une marâtre cruelle, elle ait abandonné son existence sociale au hasard de ses inventions (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 248).Ce n'est pas seulement dans la graine ou la fleur, mais dans la plante entière, tiges, feuilles, racines, que l'on découvre, si l'on veut bien s'incliner un instant sur leur humble travail, maintes traces d'une intelligence avisée et vivante (Maeterl., Intellig. fleurs,1907, p. 12). − [P. oppos. à l'intelligence infinie qui est attribuée à Dieu] Intelligence finie. Comment pouvons-nous, avec nos sens bornés et notre intelligence finie, arriver à la connaissance absolue du vrai et du bien? (Flaub., Corresp.,1857, p. 181). A. − [Chez l'être hum. p. oppos. à l'animal] Fonction mentale d'organisation du réel en pensées. − Au sing. [L'art grec] s'est toujours attaché à la forme, parce qu'elle est une prise de l'intelligence et marque son pouvoir d'organisation (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 125). ♦ [Avec une majuscule] [Degas dit] « Le jour où l'on a commencé d'écrire Intelligence avec un I majuscule, on a été foutu. Il n'y a pas l'Intelligence; on a l'intelligence de ceci, de cela (...) » (Gide, Journal,1909, p. 275). ♦ Mythol. Déesse de l'intelligence. Athéna. Athéné, la déesse de l'intelligence. C'est la déesse armée d'une lance, c'est l'intelligence perceuse de monstres qui perce les fausses raisons de souffrir, et rit : « Souffrir pour ça! » (Montherl., Olymp.,1924, p. 321). − [L'intelligence du point de vue de sa différenciation au cours de l'évolution de la vie sur la terre] : 2. Pour l'homme adulte, il faut considérer l'évolution de son intelligence au cours de la longue histoire de l'Humanité (...). Sur le plan de l'action, se développe d'abord l'intelligence artisanale de l'Homo faber (...) après un grand détour par la « mentalité primitive », l'intelligence humaine se développe sur le plan de la pensée; elle devient l'intelligence logique et rationnelle de l'Homo sapiens, en se créant un outillage mental extraordinairement efficace (...) l'action tend alors à devenir de moins en moins empirique et de plus en plus rationnelle... G. Viaud, L'Intelligence, Paris, P.U.F., 1969, pp. 110-111. [Chez Bergson; p. oppos. à torpeur pour le règne animal, et à intuition à l'intérieur des facultés hum.] L'une des « directions divergentes et complémentaires de l'élan vital originel », c'est-à-dire de la « conscience lancée à travers la matière » : 3. Du côté de l'intuition, la conscience s'est trouvée à tel point comprimée par son enveloppe qu'elle a dû rétrécir l'intuition en instinct (...). Au contraire, la conscience se déterminant en intelligence, c'est-à-dire se concentrant d'abord sur la matière (...) s'adapte aux objets du dehors, (...) arrive à circuler au milieu d'eux, à tourner les barrières qu'ils lui opposent, à élargir indéfiniment son domaine. Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 183. − [En emploi spécifique ou référentiel] Au sing. ou au plur. Le vœu de la providence, (...) la loi divine, sont transgressés chaque fois qu'un homme et une femme unissent leurs lèvres sans unir leur cœurs et leurs intelligences (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 293).Amour héroïque, expression (...) autour de laquelle erraient sans la pénétrer son intelligence et son sentiment (Arnoux, Seigneur,1955, p. 44). − LITT. De l'intelligence (Taine, 1870).L'Avenir de l'intelligence (Maurras, 1905).Réflexions sur l'intelligence (Maritain, 1925).Propos sur l'intelligence, Le Bilan de l'intelligence ds Variété III (Valéry, 1936). − LOG., INFORM. Intelligence artificielle. ,,Recherche de moyens susceptibles de doter les systèmes informatiques de capacités intellectuelles comparables à celles des êtres humains`` (La Recherche, janv. 1979, no96, vol. 10, p. 61). Beaucoup de jeunes chercheurs travaillent actuellement dans le domaine de l'intelligence artificielle et de la reconnaissance des formes, et la discipline a considérablement évolué depuis l'époque où H.A. Simon faisait ses premiers travaux de ce type. (...) l'ancienne réputation « science-fiction » de ces activités tend à s'estomper, (...) il y a de plus en plus de rapprochement entre l'intelligence artificielle et l'informatique « ordinaire » (La Recherche, janv. 1979, no96, vol. 10,p. 62). 1. [Cette fonction au plan qualitatif; dans un sens très large (partic. dans la psychol. des facultés au xixes.)] PHILOS., PSYCHOL. Ensemble des fonctions psychiques et psycho-physiologiques concourant à la connaissance, à la compréhension de la nature des choses et de la signification des faits; faculté de connaître et de comprendre. Rem. Si la nomenclature de ces fonctions, de même que le rôle exact qui leur est dévolu, varient selon les auteurs, on peut considérer qu'elles sont de trois ordres : ordre de l'acquisition (sensation, perception, conscience), ordre de la conservation (mémoire), ordre de l'intellection proprement dite (association, intuition de formes ou de rapports, réflexion, jugement, raison, imagination...). [La naïveté] est le plus dangereux adversaire de l'intelligence, de l'intelligence qui comprend tout, qui pèse tout et qui choisit (Duhamel, Cécile, 1938, p. 52). [Les psychologues] parlent tous de l'intelligence, mais s'ils s'accordent à la distinguer (...) de ses conditions extérieures (...), ils ne s'entendent plus du tout sur ses limites et sur son point d'attache (...). S'agit-il de la mémoire? La moitié [des tests] l'englobent dans l'intelligence, la moitié l'en excluent. Ainsi de la sensation, de l'imagination. De chacune, tour à tour, on a démontré qu'elle constitue le noyau de l'intelligence, et qu'elle n'y a aucune part (Mounier, Traité caract., 1946, p. 601). L'intelligence, avec son armure la Raison, se porte vers le monde avec une méthode, une série d'habitudes logiques, un bon nombre d'exigences (R. Mucchielli, Psychol., Paris, Bordas, 1957, p. 203). a) [En synon. avec : esprit (au sens de « substance pensante, sujet de la connaissance, ensemble des facultés intellectuelles »), pensée (au sens de « activité psychique ayant la connaissance pour objet »), raison (au sens de « principe pensant, faculté de percevoir les rapports ») et entendement (au sens de « faculté d'entendre c'est-à-dire de comprendre »)] Il faut admettre deux connaissances préalables : celle du corps qui a senti, celle de l'intelligence qui a perçu; admettre le sens et la raison, témoignages humains et par conséquent suspects (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 95).Il importe peu que ces autres plans [de la création théâtrale] soient réellement conquis par l'esprit, c'est-à-dire par l'intelligence (Artaud, Théâtre et son double,1938, p. 109): 4. [Cette philosophie] institue, entre la théorie et la pratique, un antagonisme continu (...) graduellement modifié d'après la réaction croissante de l'activité sur l'intelligence (...). Tandis que la spéculation attribuait tout à des volontés arbitraires, l'action supposait toujours des lois invariables, dont la connaissance (...) a fini par renouveler l'entendement humain. Comte, Catéch. posit.,1852, p. 334. b) [En oppos.] − [P. oppos. aux deux autres grandes catégories traditionnelles des phénomènes psychiques : celle des phénomènes affectifs et celle des phénomènes actifs (cette dernière couvrant l'exercice des facultés de vouloir et d'agir)] : 5. Il faut, avec Maurice Blondel, se placer en deçà de l'intelligence, de la volonté et de la sensibilité à la source commune de ces fonctions, dans ce dynamisme de l'être spirituel où elles puisent leur force d'agir... Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 103. − [P. oppos. à instinct] : 6. Dirai-je l'assiduité de toute une littérature (...) (voir Barrès et Bourget) à clamer le primat de l'instinct, de l'inconscient, de l'intuition, de la volonté (au sens allemand, c'est-à-dire par opposition à l'intelligence) (...) parce que c'est l'instinct, et non l'intelligence, qui sait les mouvements qu'il nous faut faire (...) pour assurer notre avantage? Benda, Trahis. clercs,1927, p. 185. − [P. oppos. à intuition] : 7. Intuition et intelligence représentent deux directions opposées du travail conscient : l'intuition marche dans le sens même de la vie, l'intelligence va en sens inverse, et se trouve ainsi tout naturellement réglée sur le mouvement de la matière. Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 267. Rem. Intelligence, instinct et intuition ne sont pas toujours opposés. Il se sentait devant quelque chose de fort et de sérieux. L'instinct de sa haute intelligence lui en faisait deviner une non moins haute sous le bonnet fourré du compère Tourangeau (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 201). Je ne puis jamais me passer de l'intuition, c'est-à-dire de ce surplus d'intelligence qui toujours la suppose présente à son maximum (Du Bos, Journal, 1927, p. 161). − [P. oppos. à raison au sens de « faculté de raisonner, de démontrer en organisant discursivement expériences ou preuves », ou au sens normatif de « faculté d'atteindre et de connaître la vérité, d'affirmer l'absolu »] Au-dessus de ce qu'on appelle généralement intelligence, les philosophes cherchent à saisir une raison supérieure une et infinie comme le sentiment, à la fois objet et instrument de leurs méditations (Proust, Chron.,1922, p. 176).Dans l'usage ordinaire et même philosophique, l'intelligence (...) est intuitive et embrasse d'un seul coup des ensembles complexes; la raison, au contraire, est discursive, procédant suivant une marche méthodique et même parfois mécanique (Foulq.-St-Jean1962, s.v. raison). − [P. oppos. à esprit au sens de « principe de la vie psychique; ensemble des facultés psychologiques tant affectives que morales ou intellectuelles »] Ah! j'ai bien compris de l'esprit, seigneur, qu'il domine l'intelligence. Car l'intelligence examine les matériaux mais l'esprit seul voit le navire (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 872): 8. ... l'intelligence est, par sa nature, égoïste, tandis que l'esprit suppose l'intelligence de celui à qui il s'adresse. D'où ceci : l'intelligence explique (Taine, Bourget, etc.); l'esprit raconte seulement (xviiies.). Gide, Journal,1892, p. 29. − [P. oppos. à âme au sens de « principe et siège de l'activité psychique consciente ou inconsciente », ou au sens de « principe et siège de la conscience et de la vie morale », ou encore au sens de « partie la plus intime de l'être »] Il refusait son consentement intérieur, ne livrant que cette part superficielle de l'âme qui s'appelle l'intelligence, l'attention (Bernanos, Imposture,1927, p. 365).L'inconscient, n'est-ce pas un nouveau mot pour désigner, au fond, ce que jadis signifiait l'âme, en regard de l'intelligence? (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 349). c) [En association syntagm.] − [L'intelligence du point de vue de sa nature et de son fonctionnement] Constitution, structure de l'intelligence; éléments, cadres, limites, ressources, pouvoirs de l'intelligence; vie, mouvement, activité, démarche, mécanisme de l'intelligence; lois, opérations, phénomènes, actes de l'intelligence. Les philosophes grecs bâtirent mille systèmes (...) sur la nature de leur intelligence, avant d'avoir seulement examiné les opérations de cette intelligence (Stendhal, Racine et Shakspeare, Paris, Champion, t. 2, 1842, p. 77).La question même de l'intelligence humaine se pose; la question de l'intelligence, de ses bornes, de sa préservation, de son avenir probable, se pose à elle-même (Valéry, Variété III,1936, p. 261). − [L'intelligence considérée comme étant un effet des mécanismes cérébraux] : 9. ... un même objet extérieur (...) impressionnant les divers centres active ces diverses zones [zones cérébrales motrice, auditive, visuelle et de sensibilité générale] et une synthèse se fait grâce aux interrelations entre zones qui sera à l'origine de la notion complexe d'objet; cette connaissance sensible pourra entraîner une réponse motrice corticale appropriée. La pensée est précisément assurée par ces interrelations et cette partie du cerveau peut être qualifiée de cerveau de l'intelligence [it. ds le texte]... P. Chauchard, Le Cerveau humain, Paris, P.U.F., 1968, p. 31. ♦ [L'intelligence considérée comme étant localisée dans le cerveau ou la tête, comme ayant le cerveau pour organe] On doit considérer la pensée comme une action qui s'exécute, dans l'organe de l'intelligence, par des mouvemens du fluide nerveux (Lamarck, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 402). [Dans certaines loc. fig. usuelles, issues de ces conceptions, l'intelligence est assimilée à un organe] Introduire une idée dans l'intelligence de qqn; idée qui se forme dans l'intelligence; jugement qui sort d'une intelligence. Il faut une intelligence non petite pour contenir tant de chansons (France, Clio,1900, p. 27). ♦ [L'intelligence du point de vue de son rapport à d'autres aspects organiques] L'intelligence demande pour se manifester dans toute sa puissance, à la fois la présence de glandes sexuelles bien développées, et la répression temporaire de l'appétit sexuel (Carrel, L'Homme,1935, p. 168). ♦ [L'intelligence du point de vue des troubles qui l'atteignent] Les premières altérations de notre intelligence sont des symptômes de mort d'autant plus terribles qu'on les observe soi-même, sur soi-même et en secret! (Delécluze, Journal,1825, p. 123). ♦ Cour. [L'intelligence en tant qu'elle transparaît dans l'aspect extérieur, le plus souvent dans l'expression des yeux, du visage, des lèvres] Yeux dénués d'intelligence, qui brillent d'intelligence; visage pétillant d'intelligence, figure qui trahit l'intelligence de qqn; intelligence qui éclaire une figure. Que d'intelligence et d'affabilité dans son sourire! (Sartre, Nausée,1938, p. 115). − [L'intelligence du point de vue de sa fonction] L'intelligence est la faculté de connaître. Connaître, c'est voir ce qui est, et voir ce qui est, c'est posséder la vérité; (...) la fonction de l'intelligence est de rechercher, de pénétrer, de retenir la vérité (Lacord., Conf. N.-D.,1848, p. 123).Cette soif de la totalité est le contraire de l'intelligence. Celle-ci, comme l'énonce le mot inter-legere, consistant essentiellement à y faire un choix (Benda, Fr. byz.,1945, p. 48): 10. L'intelligence est une manière de transformer un monde de choses en un monde de signes. C'est là sa fonction utile. C'est aussi sa pente dangereuse et son principe de caducité lorsque ces signes ne sont pas rechargés d'intuition ou d'expérience. Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 206. − [L'intelligence du point de vue de son objet] En style kantien (...) : « Notre connaissance bornée aux phénomènes » signifie que le seul être qu'atteigne notre intelligence est l'être que nous présentent nos sens (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 811).Joseph parle des choses de l'intelligence, de l'art, de la science et de la philosophie de manière à nous humilier tous (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 117): 11. ... la superposition et l'enchevêtrement de cosmos qu'est l'organisme, sont des objets inépuisables pour l'intelligence. Cela n'empêche pas qu'une science biologique soit possible, mais son objet, c'est plutôt l'ensemble des divers mécanismes que comportent les êtres vivants, que l'intelligence du vital comme tel... Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 100. − [L'intelligence du point de vue de la connaissance qu'elle permet au sujet d'acquérir] : 12. [Kant] aura toujours la gloire d'avoir (...) marqué avec une rigueur inconnue avant lui la distinction (...) de ce qui (...) tient au mode d'influence des choses du dehors, et de ce qui tient à la constitution même de l'intelligence douée de la capacité de connaître. « Nulle connaissance en nous ne précède l'expérience, et toutes commencent avec elle (...) » Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 587. ♦ P. méton., au plur. Les droits de ton âge viril feront sortir les œuvres de tes mains, les intelligences de ton esprit, les verbes de ta bouche (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 336).L'idée des souffrances (...) qui attendaient l'innocente âme infirme, désarmée de toutes les intelligences et de toutes les défenses des autres, la frappa d'une épouvante subite (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 62). − [L'intelligence du point de vue de l'usage qu'en fait l'être humain] Un ouvrage, même s'il s'applique seulement à des sujets qui ne sont pas intellectuels, est encore une œuvre de l'intelligence (Proust, Guermantes 1,1920, p. 185).Ces immenses édifices, ce feu bienfaisant, ces tapis, ces lumières (...) Sont-ce des fruits d'une intelligence prise à ses propres pièces, ou bien faut-il dire que ces industries résultent de la structure merveilleuse de la main humaine (...)? (Alain, Propos,1925, p. 665): 13. − Qu'entendez-vous par : l'intelligence? − En général? − Oui. Ferral réfléchit. − La possession des moyens de contraindre les choses ou les hommes. Malraux, Cond. hum.,1933, p. 347. ♦ P. méton. Composition pleine d'intelligence. La pièce [Les Ventres dorés d'E. Fabre] me parut excellente, et d'une intelligence soutenue (Gide, Journal,1905, p. 153). − [L'intelligence du point de vue de la diversité de ses formes selon les sujets] ♦ [Précédé ou suivi d'un subst.] Type, genre d'intelligence; largeur, profondeur, hauteur, vitesse, qualités de l'intelligence; intelligence de la femme, de l'homme; diversité des intelligences. Cette vivacité d'intelligence qui lui faisait d'un coup s'approprier l'idée d'un autre, la fouiller, l'adapter à ses besoins (Zola, Argent,1891, p. 126).Ce que vous appelez les formes de l'intelligence n'en sont que les âges (Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 30). ♦ [Suivi ou précédé d'un adj.] Intelligence féminine, masculine; intelligence profonde, superficielle, étroite, éveillée, rapide, déliée, vigoureuse, lente, lourde, droite, claire, précise, exacte, aiguë; intelligence naturelle, spontanée, intuitive, subjective, objective, analytique, synthétique, systématique; intelligence critique, créatrice; intelligence distinguée, élevée; vive, vaste, large, profonde, belle, noble intelligence. Je ne sais s'il a jamais existé une intelligence plus fine que celle de ma femme : elle devine la pensée et la parole à naître sur le front ou sur les lèvres (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 365).Cette intelligence ronde qu'on appelle un gros bon sens (Frapié, Maternelle,1904, p. 73). Loc., vieilli. Avoir l'intelligence nette. Avoir les idées claires, être en possession de toutes ses facultés intellectuelles. Quand il se fut un peu calmé et qu'il eut l'intelligence nette, il s'étonna du brusque revirement de sa femme (Zola, Curée,1872, p. 536). [Chez Camus] Intelligence révoltée. Intelligence de l'homme qui, de toute la puissance et la lucidité de son esprit, ,,se dresse contre sa condition et la création tout entière`` dans le mouvement de la révolte métaphysique (cf. Camus, Homme rév., 1951, p. 10). Il faut se soumettre au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob quand on a parcouru, comme Pascal, la carrière de l'intelligence révoltée (Camus,Homme rév.,1951,p. 50).[P. allus. et p. oppos.] Intelligence docile. Il y a une intelligence docile et une intelligence révoltée... Les deux contribuent à faire l'histoire, mais à la condition de dominer à tour de rôle (G. Cesbron, Mourir étonné, Paris, Laffont, 1976, p. 228). [Suivi d'un adj. précisant le domaine d'exercice de l'intelligence] Intelligence politique, scientifique, artistique, poétique, musicale, plastique. Nulle intelligence philosophique, point d'esprit géométrique ni d'esprit de finesse; et pourtant, quelle cervelle nette (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 39). [Suivi d'un adj. à valeur collective] Intelligence française contemporaine. Le talent et la science dans un homme sont le produit de l'intelligence universelle et d'une science générale lentement accumulée par une multitude de maîtres (Proudhon, Propriété,1840, p. 235). PSYCHOL. Intelligence affective. On peut supposer qu'il existe une intelligence affective à laquelle se mêlent une grande quantité de connaissances, d'aptitudes particulières, de motivations, et également une certaine acuité de la conscience (Psychol.1969). Intelligence sociale. Intelligence sociale (...) implique la compréhension des êtres humains et la facilité à s'entendre avec eux (...). Cette dernière forme d'intelligence semble procéder pour beaucoup de facultés instinctivo-affectives (Psychol. Enfant1976).[Avec une valeur collective] Nous admettrons (...) l'existence de représentations collectives, déposées dans les institutions, le langage et les mœurs. Leur ensemble constitue l'intelligence sociale, complémentaire des intelligences individuelles (Bergson, Deux sources,1932, p. 108). d) En partic. [Dans un sens restreint hérité de la philos. classique; p. oppos. à l'intelligence en tant que faculté de connaître intuitive] Ensemble des facultés mentales supérieures intervenant dans l'activité conceptuelle de l'esprit et visant à la connaissance discursive. L'accord traditionnel des données des sens et des règles de l'intelligence, fondement de l'art méditerranéen, n'est plus respecté (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 147): 14. À cette intuition primitive de l'espace et du temps il faut (...) donner pour base les principes de raisonnement, sans lesquels nous ne pouvons rien comprendre, et qui sont les lois de notre intelligence; la liaison des causes et des effets, l'unité, la pluralité, la totalité, la possibilité, la réalité, la nécessité, etc. Staël, Allemagne, t. 4, 1810, p. 123. − [En relation de type synon.] ♦ Intelligence abstraite, formelle, symbolique, logique, discursive, hypothético-déductive, raisonnée, théorique, spéculative : 15. Pendant bien longtemps, les philosophes et les psychologues n'ont connu d'autre forme d'intelligence que l'intelligence conceptuelle et logique de l'Homme, s'exerçant grâce au langage. Cette intelligence peut être définie brièvement comme une application et une adaptation de notions abstraites et générales aux choses et aux événements (...). Ce sont les opérations de cette forme d'intelligence que les logiciens étudient depuis l'Antiquité grecque et dont ils ont donné les règles essentielles. G. Viaud, L'Intelligence, Paris, P.U.F., 1969, pp. 16-17. ♦ [En synon. avec raison au sens de « faculté de raisonner, de démontrer en organisant discursivement expériences ou preuves », ou au sens normatif de « faculté d'atteindre et de connaître la vérité, d'affirmer l'absolu »] Saisir la notion de l'infini, (...) percevoir les vérités absolues et nécessaires, (...) en cela consiste (...) une des fonctions éminentes de la raison de l'homme, une des puissances de son intelligence (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 19): 16. L'intelligence est un des signes de l'homme et notre guide ordinaire dans la cohue des phénomènes. Pourtant, je commence à saisir les sentences mystérieuses de Chalgrin qui dit souvent : « La raison ne saurait tout expliquer... Il faut se servir de la raison avec prudence, comme d'un instrument admirable, mais exceptionnel dans la nature, et parfois même dangereux ». Duhamel, Maîtres,1937, p. 186. − [P. oppos. à sensation, instinct, intuition, sensibilité, volonté (ou à un équivalent)] Cette exigence de l'unité a conduit aux conceptions intellectualistes de la volonté (...). La volonté repose (...) sur l'intelligence, sur la raison avec laquelle on tend même à la confondre (...). La volonté suppose (...) le triomphe de l'intelligence abstraite sur les sens et l'affectivité (P. Guillaume, Manuel de psychol., Paris, P.U.F., 1960, pp. 220-221): 17. ... le cerveau préfrontal apparaît comme l'organe unificateur par excellence qui permet à l'Homme de ne pas être seulement intelligence réfléchie verbalisée, froide raison ou au contraire instinct et affectivité, mais d'être une personnalité complète et équilibrée sachant faire la part convenable au rationnel, à l'instinctif et à l'affectif. P. Chauchard, Le Cerveau humain, Paris, P.U.F., 1968, p. 34. ♦ [Dans le cadre de l'oppos. à sensibilité (ou à un équivalent)] Intelligence pure. Intelligence discursive en tant qu'elle est pure de toute contamination de la sensibilité. Pour les mathématiciens, les juristes, l'effort est d'intelligence pure. Ils ne dépendent point (...) d'une sensibilité sur laquelle la fatigue a trop de prise (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 108): 18. La logique n'est que la psychologie d'une intelligence [it. ds le texte] pure, séparée, si l'on peut dire, de ses conditions réelles d'exercice. Le savoir scientifique vaut pour tous, parce qu'il est en nous l'œuvre (...) de ce qui est commun à tous : la raison. Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 96. e) P. ext. − [Dans un cadre dualiste] Principe de la vie psychique dans son ensemble. Synon. esprit, âme.À quoi bon se parler avec la voix quand on peut se parler avec l'âme? Pourquoi ne pas laisser les corps écouter en silence le langage mystérieux des intelligences? (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 495): 19. ... la définition célèbre de M. de Bonald, l'homme est une intelligence [it. ds le texte] servie par des organes, (...) a le double défaut d'expliquer le connu par l'inconnu, c'est-à-dire l'être vivant par l'intelligence, et de se taire sur la qualité essentielle de l'homme, l'animalité. Proudhon, Propriété,1840, p. 299. − [Dans certaines lexies] Au sing. Disposition à la connaissance intuitive d'autrui. ♦ [P. réf. au cœur en tant que principe de la vie affective] Intelligence du cœur. Disposition à la connaissance intuitive d'autrui par l'opération de la sensibilité affective. C'est ça! c'est ça! cria Simon. Nous sommes des grosses têtes... et nous avons l'intelligence du cœur! (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 67).P. méton., au sing. avec l'art. indéf. ou au plur. [Désigne le résultat de cette disposition, la connaissance ainsi acquise] Ta lettre t'a démenti, elle m'a révélé que tu n'avais pas toutes les intelligences du cœur (...). C'était de la jalousie, il est vrai, mais de la jalousie ironique et impertinente (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p. 166). ♦ [P. réf. à l'âme en tant que principe de la pensée, de l'affectivité et de la vie morale] Intelligence de l'âme. Disposition à la connaissance intuitive d'autrui par l'opération conjuguée de la sensibilité intellectuelle, affective et morale. Dans une grande salle assez basse (...) l'on a réuni les portraits de tous les généraux de l'ordre [les Chartreux] (...). Une de nos dames, qui a l'intelligence de l'âme, eût goûté cette galerie de vieillards (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 238). 2. [Cette fonction au plan quantitatif, du point de vue de la diversité de son développement selon les sujets] a) Aptitude à la connaissance, développement des capacités intellectuelles. N'a-t-il [Dieu] pas lieu de s'admirer dans l'intelligence concentrée en quelques esprits immenses, autant que dans les petits lots de cette intelligence distribuée également entre tous? (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 586). − Exercice, progrès, développement, qualité de l'intelligence; médiocrité, diminution, faiblesse de l'intelligence; supériorité, manque, défaut d'intelligence. D'où viennent les difficultés des problèmes, les limitations de fait et les inégalités de l'intelligence? De la résistance des formes aux réorganisations exigées par le problème (P. Guillaume, La Psychol. de la forme, Paris, Flammarion, 1937, p. 178). − Loc. Avoir un éclair d'intelligence; (ne pas) avoir deux sous d'intelligence; avoir un minimum d'intelligence. Félicité eut un éclair d'intelligence. Elle n'avait rien à dire, elle allait peut-être tout apprendre, si elle savait se taire (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 92).Si le journal du général Boulanger, si la Cocarde avait deux sous d'intelligence, elle avait une belle occasion de tomber sur Carnot (Goncourt, Journal,1889, p. 902). ♦ Avoir des lueurs* d'intelligence. − Intelligence normale, commune, ordinaire, médiocre, pauvre, faible; intelligence développée, supérieure, brillante, éminente, remarquable, rare; extraordinaire, admirable, merveilleuse intelligence. [P. oppos. à intelligence moyenne, commune] Bonne intelligence. N'ai été qu'un homme moyen. Facultés moyennes, en harmonie avec ce que la vie exigeait de moi. Intelligence moyenne, mémoire, don d'assimilation. Caractère moyen (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 989). − Intelligence qui se développe, diminue. [Avec un suj. désignant une pers.] Exercer, développer son intelligence; avoir une intelligence normale/exceptionnelle, avoir une certaine intelligence, avoir peu/beaucoup d'intelligence; être plein d'intelligence; montrer de l'intelligence, briller par l'intelligence, dominer qqn par l'intelligence. [Avec un suj. inanimé] Être à la portée de toutes les intelligences; supposer, exiger de l'intelligence. Les êtres qui ne sont qu'intelligents ne me sont rien et je ne leur passe à peu près rien; mais sitôt que chez un être l'intelligence vient à manquer, je m'aperçois que je n'admets pas qu'elle fasse défaut (Du Bos, Journal,1927, p. 160). ♦ Avoir au moins l'intelligence de + inf.; avoir assez/trop d'intelligence pour + inf. L'aînée, Sophie, fit une maladie dont elle cacha l'origine. Elle avait assez d'intelligence pour voir la profondeur de cette malignité (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 59). ♦ P. euphém. Ne pas avoir d'intelligence, être dépourvu/dénué d'intelligence, manquer de toute intelligence. Avoir des capacités intellectuelles insuffisamment développées, être sot. Douter de l'intelligence de qqn. Être amené à penser que les capacités intellectuelles de quelqu'un sont insuffisantes, que quelqu'un est sot : 20. ... tu t'arranges pour que maman t'accompagne à Paris. Pas à tortiller. Le prétexte est simple. Il s'agira, par exemple, de choisir quelque chose de ton ménage, de ton mobilier. − Mais c'est déjà tout choisi. Rien que de l'ancien. − Mon cher, ne nous fais pas douter de ton intelligence. Duhamel, Terre promise,1934, p. 190. b) [P. oppos. à inintelligence] Aptitude à la connaissance, supérieure à la moyenne. L'élite se définissait selon lui par l'intelligence, la culture, une orthographe correcte, une bonne éducation, des idées saines (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 131). − Homme, personne, gens d'intelligence. D'autres hommes éminents ont bien voulu me louer ou me défendre. Leur voix ne partait pas des entrailles comme la vôtre; car, en général, les hommes d'intelligence ont peu d'entrailles (Sand, Corresp., t. 2, 1847, p. 365).[Félix Éboué] cet homme d'intelligence et de cœur, ce noir ardemment français, ce philosophe humaniste (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 91). − Vieilli. Avoir l'intelligence. [Saint-Évremond] invoque un historien qui sache parler guerre, administration, politique, et qui ait, comme on l'a dit, l'intelligence (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 13, 1868, p. 446). c) PSYCHOL. ,,Niveau mental globalement envisagé, dans l'étude du développement et de la mesure de l'intelligence`` (March. 1970) : 21. [Binet] proposa, avec Simon, une « échelle métrique de l'intelligence », donnant le moyen de faire correspondre à l'avance ou au retard d'un enfant un indice exprimé en années et en mois (âge mental) (...). Terman préconisa l'utilisation (...) du quotient (...) d'intelligence (...) de W. Stern, qui exprime le rapport entre l'âge mental et l'âge réel. Hist. sc.,1957, p. 1686. Rem. ,,D'après Claparède, on devrait toujours en ce sens, préciser qu'il s'agit d'intelligence globale`` (Méd. Biol. t. 2 1971). − Intelligence générale. ,,Facteur général commun à toutes les opérations mentales (facteur G. de Spearman, « facteur inné des activités cognitives » de C. Burt)`` (Piéron 1973) : 22. Spearman, a tenté d'établir que chaque test cognitif (...) contient deux facteurs mentaux : le facteur général de l'intelligence et un facteur particulier spécifique (...) en multipliant les tests (...) les facteurs spécifiques se neutralisent (...) et l'on finit par ne plus mesurer que le facteur commun, l'intelligence générale. Vuillemin, Être et trav.,1949, p. 152. 3. [Seulement au sing. et suivi d'un compl. désignant une chose considérée comme objet de connaissance] Intelligence de qqc.Acte d'appréhender quelque chose par l'intelligence, de le comprendre avec aisance, d'en avoir la connaissance approfondie; résultat de cet acte. Intelligence des lois, des sciences, de l'art, d'une théorie, d'un auteur, d'une époque, d'une civilisation. Ces détails (...) sont (...) indispensables pour l'intelligence de ce qui va suivre (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 385).Chercher des lumières sur un texte, pour l'intelligence d'un texte, partout, pourvu, à cette seule condition que ce ne soit pas dans le texte même (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 812). − Avoir une meilleure, l'entière, la pleine intelligence de qqc.; avoir la claire intelligence de qqc.; avoir l'intelligence rapide, instinctive, nette, profonde de qqc.; ne pas avoir l'intelligence de qqc.; perdre l'intelligence nette de qqc. Isolés de leurs groupes de naissance et dressés seulement à concourir entre eux, des adolescents prennent de la vie, de ses conditions et de son but la plus pitoyable intelligence (Barrès, Déracinés,1897, p. 5). − ARTS ET TECHN. D'EXPR. [Le compl. désigne des aspects ou techn. de l'expr.] Entente, connaissance approfondie et sûre, maîtrise parfaite de. Intelligence du portrait, de la composition, de l'arrangement, des effets de lumière, des valeurs; intelligence d'un sujet, du dialogue. L'architecture n'exagère pas, comme la sculpture, l'intelligence des rondeurs fuyantes (Taine, Voy. Ital., t. 2, 1866, p. 389). 4. P. méton. Être doté de cette fonction. a) [Correspond à I A supra] Être humain considéré en tant qu'être pensant, doué de la faculté d'intelligence. À peine une découverte surgit-elle au loin de la terre que d'autres intelligences la soupèsent, la dissèquent et l'exploitent, chacune à sa façon, sous d'autres latitudes (Ce que la Fr. a apporté à la méd.,1946, p. 139). b) [Correspond à I A 1 et 2 supra] Être humain considéré en tant qu'être doué d'une certaine forme et d'un certain niveau d'intelligence. Oh! quelle douleur de voir s'égarer de si belles intelligences, de si nobles créatures, des êtres formés avec tant de faveur (E. de Guérin, Journal,1839, p. 185).La plupart des artistes sont, il faut bien le dire, (...) des intelligences de village, des cervelles de hameau (Baudel., Curios. esthét.,1863, p. 330). − [Correspond à I A 1 d supra] Intelligence pure. Personne vivant selon sa raison, pure de toute contamination de la sensibilité : 23. C'est une intelligence pure. Le monde affectif, pour lui, se limite à sa personne qui est (...) susceptible de certains sentiments (...) que le reste du monde soit tourmenté par l'amour, le désir, la tristesse, la rage, le désespoir, voilà ce qu'il ne peut même pas comprendre. Duhamel, Maîtres,1937, p. 183. − [Correspond à I A 3 supra] Je suis frappé (...) du côté alambiqué, rhéteur, sophiste, qu'il y a dans toutes les grandes intelligences du dessin et de la peinture, à commencer par Gavarni, à finir par Rousseau (Goncourt, Journal,1870, p. 582). − [Sans détermination par adj. ou compl. de nom] Personne d'une intelligence supérieure. C'était une intelligence, ce Sigismond, élevé dans les universités allemandes, qui, outre le français, sa langue maternelle, parlait l'allemand, l'anglais et le russe (Zola, Argent,1891, p. 38). − [Avec valeur de collectif et éventuellement une majuscule] Classe des intellectuels. Synon. élite.Ces belles et touchantes funérailles, où (...) l'Intelligence de Paris se pressait (Verlaine, Souv. et fantais.,1896, p. 193): 24. Depuis quelques années, ce mot, déjà embarrassé de plusieurs idées assez différentes, a contracté, par une contagion très fréquente dans les langues, une valeur nouvelle et tout étrangère. Je ne crois pas qu'il faille se féliciter de voir étendre le nom d'Intelligence à une classe sociale d'individus, et de traduire ainsi le russe Intelligentsia. Valéry, Œuvres, t. 1, Propos sur l'intelligence, Paris, Gallimard, 1959 [1926], p. 1042. c) P. anal., PHILOS., THÉOL. [Dans le cadre du dualisme de la matière et de l'esprit] Être spirituel considéré en tant qu'il est doué d'intelligence. Synon. (pur) esprit (v. ce mot III B 1 et 2).Intelligence pure. L'esprit humain n'est pas une intelligence pure, mais une intelligence fonctionnant à l'aide d'appareils organiques (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 169): 25. ... il suffit de concevoir des myriades de créatures spirituelles possibles, pour conclure qu'elles sont (...). Les païens les nommèrent Dieux; Platon les appela Idées; dans le langage vulgaire, ce sont les Anges : les philosophes leur donnent plutôt le nom d'Intelligences. Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 190. − [Dans le monothéisme judéo-chrétien] Intelligence créatrice, suprême, supérieure, ordonnatrice. Dieu. [La religion] nous montre aussi une parole éternelle ou verbe, expression de l'intelligence suprême et image de sa substance; fils de Dieu (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 251).Intelligences célestes. Anges du Bien. Intelligences réprouvées. Anges du Mal. Le royaume des esprits célestes ou le sombre empire des intelligences réprouvées (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 102). − Au fig., cour. Pure intelligence. Être humain qui n'est pas soumis à certaines contingences d'ordre physique ou matériel, ou qui affecte de ne pas l'être. Synon. pur esprit.Nous voyons aujourd'hui en lui une anémie, amenée (...) par tant d'années d'une alimentation insuffisante, où cette pure intelligence ne voulait pas manger (Goncourt, Journal,1863, p. 1313). B. − [Chez l'homme et l'animal (chez presque tous les vertébrés, en partic. chez les vertébrés supérieurs)] Fonction mentale d'organisation du réel en actes. 1. PHILOS., PSYCHOL. [Dans des circonstances nouvelles pour lesquelles l'instinct, l'apprentissage ou l'habitude ne dispose d'aucune solution] Aptitude à appréhender et organiser les données de la situation, à mettre en relation les procédés à employer avec le but à atteindre, à choisir les moyens ou à découvrir les solutions originales qui permettent l'adaptation aux exigences de l'action : 26. Kohler a montré que l'intelligence dans l'action commence avec la compréhension du détour. Les situations n'y sont pas perçues et les solutions découvertes une à une (...) elles se présentent globalement, organisées les unes dans les autres dans un schéma dynamique... Mounier, Traité caract.,1946, p. 445. a) [Dans un sens large] Intelligence pratique : 27. Au contraire, l'intelligence concrète, sans faire le détour par le général, comprend le donné de l'expérience grâce à un autre donné, particulier et concret comme lui, qui lui est plus ou moins analogue : c'est, dans une grande mesure, la façon de comprendre qui précède chez l'homme l'exercice de la pensée critique; c'est à elle que se réduit l'intelligence animale ainsi que celle du petit enfant. Foulq. 1971. b) [En oppos. avec instinct, habitude] : 28. Tantôt (...) on voit dans l'instinct une somme de différences accidentelles, conservées par la sélection (...). Tantôt on fait de l'instinct une intelligence dégradée : l'action jugée utile par l'espèce ou par quelques-uns de ses représentants aurait engendré une habitude, et l'habitude, héréditairement transmise, serait devenue instinct. Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 170. c) [L'intelligence appliquée à l'action du point de vue des différentes formes qu'elle prend chez l'animal, l'enfant ou l'adulte] Nous connaissons trois formes principales d'intelligence pratique : l'intelligence animale, l'intelligence pratique de l'enfant humain, l'intelligence artisanale de l'homme adulte, que l'on peut appeler aussi intelligence de l'Homo faber (G. Viaud, L'Intelligence, Paris, P.U.F., 1969, p. 21). α) [Chez l'animal] Intelligence des animaux (supérieurs), du singe, du chien. L'intelligence animale, quoiqu'elle ne forme pas de concepts proprement dits, se meut déjà dans une atmosphère conceptuelle (Bergson, Évol. créatr.,1907p. 188).L'intelligence animale se mesure à l'aptitude de l'animal à faire un détour (« conduite du détour ») pour obtenir un résultat déterminé (par ex., le singe est parfois capable de prendre une perche pour attraper un fruit) (Julia1964). − [Qualifie, en dehors de l'ordre des vertébrés, des animaux (principalement des arthropodes) accomplissant par instinct des actes que les animaux supérieurs ou l'homme accomplissent par intelligence] L'hexagone (...) se trouve véritablement dans le plan, dans l'expérience, dans l'intelligence et la volonté de l'abeille (Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 146). β) [Chez l'être hum., au cours de son évolution, de la naissance à l'âge adulte] Intelligence sensori-motrice, préverbale. [Dans un sens strict] Intelligence pratique, concrète. Tandis que les habitudes et les perceptions élémentaires sont essentiellement à sens unique, l'intelligence sensori-motrice (ou préverbale) découvre déjà les conduites de détour et de retour, qui annoncent en partie l'associativité et la réversibilité des opérations (J. Piaget, Introd. à l'épistémologie génét., La Pensée math., Paris, P.U.F., 1949, p. 23): 29. − De la naissance à 2 ans, l'intelligence est sensori-motrice et ne peut utiliser que les perceptions et les mouvements. − Pendant l'enfance, entre 2 et 12 ans, l'intelligence est concrète et pratique. Ses possibilités sont successivement enrichies par l'apparition du symbolisme puis par l'intuition suppléant à la logique et enfin par une structuration des acquisitions préalables faites intuitivement pendant l'action concrète. − Après 12 ans, lentement l'intelligence devient formelle ou hypothético-déductive. Coudray1973. − [Chez l'être hum. adulte; à l'origine dans la théorie de Bergson] Intelligence fabricatrice; intelligence artisanale de l'Homo faber, intelligence artisanale (humaine), intelligence pratique de l'Homo faber : 30. Bergson (...) oppose l'intelligence de l'Homo sapiens (Homme raisonnable et savant), ou intelligence rationnelle de la psychologie classique et de la logique, à l'intelligence artisanale de l'Homo faber (Homme ouvrier), et il montre que celle-ci a dû apparaître avant celle-là. « L'intelligence, dit-il, envisagée dans ce qui paraît être sa démarche originelle est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et d'en varier indéfiniment la fabrication ». G. Viaud, L'Intelligence, Paris, P.U.F., 1969, pp. 18-19. 2. Cour. [Gén. chez l'être hum.] Habileté à tirer parti des circonstances, ingéniosité et efficacité dans la conduite de son activité. Il attribuait à l'intelligence du soldat français, à sa plus grande dextérité, les succès de Lonato et de Castiglione (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 543).Top et Jup marchaient en éclaireurs, et, se jetant de droite et de gauche dans les épais taillis, ils rivalisaient d'intelligence et d'adresse (Verne, Île myst.,1874, p. 522).La chaise est oubliée pour le menuisier, le remède pour le médecin. Cependant l'habileté, l'intelligence ou le savoir-faire deviennent suspects (Paulhan, Fleurs Tarbes,1941, p. 53). − [Suivi d'un adj. précisant le domaine de l'activité] Le bien-être industriel du maître se reflète sur tout (...) N'est-ce pas l'indice d'une intelligence commerciale assez rare au fond des campagnes? (Balzac, Méd. campagne,1833, p. 106).L'harmonie de l'ensemble (...) vient (...) de la qualité de la matière et de l'intelligence constructive non seulement de l'architecte mais du tailleur de pierres (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 141). − [En position de compl. d'un verbe] Appliquer toute son intelligence à (une activité), mettre/montrer de l'intelligence, faire/choisir (qqc.) avec intelligence; s'acquitter d'(une mission) avec intelligence, se tirer d'affaire avec intelligence, remplir (un rôle) avec beaucoup d'intelligence; agir sans intelligence. L'action politique et la propagande quotidienne suffisent à ces tâches, si elles sont conduites avec intelligence, feu et courage (J.-R. Bloch, Dest. S.,1931, p. 172).Tu as déjà réussi du beau travail. Pige-moi ce rapport : « A fait preuve d'une intelligence très au-dessus de son grade »... (Cocteau, Machine infern.,1934, I, p. 39): 31. Augustin se rappelait sa carrière forte et singulière (...) la parfaite intelligence de manœuvrier et la parfaite intelligence tout court avec laquelle il avait présidé, dirigé, conclu mainte conférence épineuse... Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 424. ♦ Avoir l'intelligence de + inf. Mon père avait eu l'intelligence de me prévenir au lieu de faire des phrases (Camus, Possédés,1959, 1repart., 4etabl., p. 987). − En partic. [Suivi d'un compl. désignant une activité] Intelligence de qqc. Aptitude, capacité particulière, don pour (une activité). Avoir l'intelligence de qqc. Avoir des capacités particulières pour pratiquer, exercer (une activité); s'entendre, se connaître particulièrement à (cette activité). Tout le monde n'a pas l'intelligence des affaires, mais alors, quand on n'est pas doué, (...) eh bien, on demande une place! (Labiche, Ptes mains,1859, I, 10, p. 26). II. − [Dans le cadre des relations d'entente s'établissant entre des pers. qui se connaissent et se comprennent (v. entendre II A 2 b)] Action de s'entendre, de se comprendre; résultat de cette action. A. − Au sing., littér. ou vieilli. Entente tacite, connivence (entre personnes qui généralement s'entendent en secret pour agir dans un but qu'elles gardent caché). Complices tous deux du même secret, ils se regardaient en s'exprimant une mutuelle intelligence, qui approfondissait leurs sentiments (Balzac, E. Grandet,1834, p. 168).Voici qui est plus grave et qu'il faut que tu pèses. Avant huit jours, notre intelligence sera publique; avant quinze, on nous calomniera. Réfléchis, ou plutôt c'est tout réfléchi; sois ma femme! (Gobineau, Pléiades,1874, p. 280). − Intelligence de (qqn) et de (qqn)/de (deux ou plusieurs personnes) / de (qqn) avec (qqn), intelligence secrète entre (qqn) et (qqn).Il y a entre nous cette intelligence qui résulte d'une préférence comprise de part et d'autre (Constant, Journaux,1803, p. 35).Combien est douce la première lueur d'intelligence avec ce qu'on aime (M. de Guérin, Poés.,1839, p. 51). − Être d'intelligence (avec qqn).Être secrètement d'accord [avec (quelqu'un)], s'entendre secrètement [avec (quelqu'un)] Avoir l'air/paraître/se mettre d'intelligence avec (qqn), être d'intelligence contre (qqn) (rare), agir d'intelligence, être d'intelligence dans (une entreprise); être en intelligence avec (qqn). Ils sont d'intelligence pour vous surprendre, pour vous tromper (Ac.1798-1935).La disgrâce de Bestoucheff, avec qui (...) [Catherine II] se trouvait à quelque degré en liaison et en intelligence, fit redoubler autour d'elle les précautions (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 2, 1862, p. 210).Le vieux cynique (...) lui avait adressé un clignement d'œil (...) comme si un hasard quelconque avait fait qu'ils pussent être d'intelligence (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 850). ♦ Au fig. Être d'intelligence (avec qqc.).Les maîtres seuls sont d'intelligence avec la nature; ils l'ont tant observée, qu'à leur tour ils la font comprendre (Fromentin, Été Sahara,1857, p. 73).Mais avec mes périls, je suis d'intelligence, Plus versatile, ô Thyrse, et plus perfide qu'eux (Valéry, J. Parque,1917, p. 98). − Signe, regard, sourire d'intelligence. Signe, regard, sourire qui exprime l'entente tacite, la connivence existant entre des personnes, qui témoigne de leur intelligence. Le juge et le greffier échangèrent aussitôt un petit signe d'intelligence qui signifiait à peu près : « Je vous l'avais bien dit... » (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 197): 32. MmeVerdurin, voyant que Swann était à deux pas, prit cette expression où le désir de faire taire celui qui parle et de garder un air innocent aux yeux de celui qui entend, se neutralise en une nullité intense du regard, où l'immobile signe d'intelligence du complice se dissimule sous les sourires de l'ingénu et qui enfin, commune à tous ceux qui s'aperçoivent d'une gaffe (...) la révèle instantanément sinon à ceux qui la font, du moins à celui qui en est l'objet. Proust, Swann,1913, p. 284. ♦ [Accompagné d'un adj.] Sourire de bonne intelligence. J'avais surpris les regards d'une timide et discrète intelligence entre certain auditeur et une très-jolie petite prude (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 318). − En partic. Domaine de la Sûreté de l'État.Intelligence avec l'ennemi; accuser (qqn) d'intelligence avec l'ennemi; être innocent, coupable du crime d'intelligence avec l'ennemi. La Haute-Cour, destinée à juger les actes d'intelligence avec l'ennemi et d'atteinte à la sûreté extérieure de l'État (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 109). − Au plur. Relations secrètes. Avoir des intelligences (secrètes) avec un ou des ennemis, entretenir des intelligences avec des puissances étrangères, nouer des intelligences avec qqn contre qqn. Je veux parler de ce misérable d'Artagnan (...). Le Cardinal : Mais il me faudrait une preuve de ses intelligences avec Buckingham (Dumas père, Jeunesse Mousquet.,1849, III, 9, p. 132).Il fit appeler dame Léonarde, avec laquelle il n'avait cessé d'entretenir des intelligences secrètes, étant toujours bon de maintenir un espion dans la place (Gautier, Fracasse,1863, p. 328). ♦ Avoir des intelligences dans la place. Mon flair (...) me dit que j'ai des intelligences dans la place, qu'il y a un traître dans la garnison (Feuillet, Morte,1886, p. 56).P. anal. Avoir des intelligences dans (un groupe, une société). Avoir des relations secrètes avec un ou plusieurs membres d'(un groupe, une société fermés, d'accès difficile). Nouer, se créer, se ménager, garder des intelligences dans la place, une famille, une maison, un parti. Il s'occupait particulièrement de l'achat des créances (...) flairant, guettant, avec des intelligences dans tous les mondes (Zola, Argent,1891, p. 31). ♦ Au fig. Avoir des intelligences avec (qqc.). Ma chambre (...) sorte d'observatoire où je m'étais créé (...) de continuelles intelligences avec ce qui m'entourait, soit par la vue, soit par l'habitude constante d'écouter (Fromentin, Dominique,1863, p. 120). B. − Au sing. [Le plus souvent accompagné d'un adj., en gén. de l'adj. bon] Entente, accord, harmonie. Personnes de bonne intelligence; être dans une parfaite intelligence; vivre dans la meilleure intelligence, rester/demeurer en très/bien/assez bonne intelligence. On avait un grand et véritable désir de conclure la paix (...) il fallait éviter avec soin tout ce qui aurait pu troubler la bonne intelligence et aigrir les esprits (Barante, Hist. ducs de Bourg., t. 2, 1821-24, p. 39).Je mis tous mes soins à maintenir nos relations sur le pied de bonne camaraderie (...). Selon moi, le seul genre d'intelligence qui fût désirable, et même possible entre nous (Feuillet, Pte Ctesse,1856, p. 116): 33. Au ministère, les deux hommes semblaient vivre en assez bonne intelligence. Une sorte de pacte tacite s'était fait entre eux pour cacher à leurs collègues les batailles de leur intérieur. Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 514. [P. oppos.] Être/vivre en mauvaise intelligence. (Dict. xixeet xxes.). − Au fig., rare. Être/vivre en bonne intelligence avec (qqc.). Avec l'indigence Et les haillons, je vis en bonne intelligence, Et je fais bon ménage avec Dieu mon voisin (Hugo, Contempl., t. 3, 1856, p. 157): 34. Kierkegaard disait de la femme qu'elle est en bonne intelligence avec le temps et sait le passer mieux que l'homme. C'est peut-être parce qu'elle est à la fois plus près de la terre et plus divine. Mounier, Traité caract.,1946, p. 311. Prononc. et Orth. : [ε ̃teliʒ ɑ ̃:s], [-tεl(l)i-]. Cf. intellect. Noter que Pt Rob. transcrit uniquement [-el-], de même dans intelligemment, intelligent, intelligentsia alors qu'il admet, en variante, [-εll-] dans intelligible, -gibilité et -giblement. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 « faculté de comprendre » (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 19972); 2. 1370-72 « être spirituel » (Oresme, Ethiques, éd. A.D. Menut, livre I, chap. 16, note 22); 3. ca 1500 « relation plus ou moins secrète entre différentes personnes » (Ph. de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 20); ca 1500 intelligences « relations secrètes, complicités » (Id., op. cit., t. 1, p. 52); 4. 1559 « acte ou capacité de comprendre » (Amyot, Péricl., 30 ds Littré). Empr. au lat.intelligentia, intellegentia (dér. de intellegere « comprendre ») « action de comprendre », « faculté de comprendre », également attesté en lat. médiév. au sens de « bonne entente, commun accord » (cf. Nierm.) et « être spirituel, ange » (ca 1205 ds Latham). Fréq. abs. littér. : 10 332. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 602, b) 11 883; xxes. : a) 16 143, b) 14 549. Bbg. Foerstner (S.). Intelligence... Tübingen, 1965, passim. - Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1917-18, t. 30, p. 147.


ATLIF BHVF


infirme de l'intelligence loc. nom. PSYCHOPATHOL. - ø t. lex. réf. ; absent TLF. 
1906 - «Cet examen [médical] permettrait d'éliminer de suite un nombre considérable d'infirmes de l'intelligence : débiles profonds, imbéciles, de véritables malades : hébéphréniques ou déments précoces, épileptiques, etc.» A. Vigouroux, L'assistance des débiles moraux, in R. de psychiatrie, 10e année, 354 - M.C.
intelligence n.f. INTELL. "par méton." 
TLF, cit. E. de Guérin, 1839 ; GLLF, av. 1848, Chateaub. ; FEW (4, 738a), mil. 19e ; Lex.[75], cit. Zola ; R, PR[77], ø d.

1598 - «[...] ce grand Seneque (que ie puis nommer l'intelligence humaine des actions humaines) [...]» Le Miroir français, 44 (Breyel) - P.E.

intelligence n.f. SOCIOL 
"classe des intellectuels" - PR[82] (s.v. intelligentsia), 1901 ; absent TLF.

1877 - «[...] et n'est-il pas curieux qu'un Genevois (J.-J. Rousseau) ait exercé une si grande influence sur le développement de l'intelligence française ?» [I. Golovine], Voy. au pays des roubles, 8 (3e éd., Ollendorff, 1880) - J.S.

intelligence n.f. INTELL. 
"action de comprendre, de saisir quelque chose par la pensée" - GLLF, 1541, Calv. ; TLF, GR[85], 1559, Amyot ; FEW (4, 738a), Amyot ; Gc, Gent. Hervet ; L, cit. Régnier.

1513 - «Par quoy maintenant nous entrerons en plus clere intelligence de la genealogie historialle de l'empereur Charles le grand, especiallement du tres noble et tres gracieux nom des Charles.» Lemaire de Belges, Les Illustrations de Gaule et Singularitez de Troye, III, 179, 14 (Droz) - R.V.


Universalis


Jean-François RICHARD, « INTELLIGENCE  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 5 juillet 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/intelligence/
De tous les concepts que la psychologie a hérités de la tradition philosophique et religieuse, celui d'intelligence est sans doute le plus marqué par ses antécédents culturels. L'intelligence représente la fonction par laquelle l'homme a essayé de se définir dans l'échelle des êtres, c'est-à-dire de se situer par rapport à son inférieur, l'animal, et par rapport à son supérieur, la divinité. Dans la tradition occidentale, l'homme s'est toujours considéré comme un entre-deux participant de deux règnes (l'ange et la bête), mais, comme sa parenté avec le divin est moins manifeste que son appartenance au règne animal, il s'est constamment efforcé de dégager ce qui le distingue de l'animal et ce qui le rapproche de la divinité. C'est dans ce contexte que s'est développée la notion d'intelligence, conçue comme fonction spécifique de l'homme. Il en résulte que, par rapport à l'animal et aux fonctions qui le caractérisent, l'intelligence a été définie par différence, tandis que vis-à-vis de la divinité l'intelligence a été définie par ressemblance.

Distinguée de l'habitude et de l'instinct, puis des opérations des calculateurs, en même temps que référée à l'intuition, l'intelligence ne quittera vraiment le domaine de la métaphysique pour entrer dans celui de la psychologie qu'en se laissant décrire comme une série d'activités dont il est impossible de donner une théorie avant de les avoir délimitées et analysées. On verra peut-être alors disparaître, dans un nouveau champ conceptuel, la notion d'intelligence comme désignant une fonction spécifiquement humaine. 1. L'héritage philosophique

Dans le contexte philosophique où l'on définit l'intelligence à la fois par différence et par ressemblance, on oppose la plasticité de cette fonction à la stéréotypie de l'habitude. Aux circuits courts et rigides que met en œuvre l'instinct pour atteindre ses buts on oppose les circuits longs et modifiables qu'élabore l'intelligence pour parvenir aux siens. À la passivité de la perception subissant le réel qui impose la contrainte de sa présence on oppose la liberté de l'intelligence qui, dans son activité d'abstraction, opère une sélection dans ce qui lui est livré par les sens et isole ce qui est donné sous forme non dissociée dans la perception. À l'immédiateté de la perception qui fournit des images du réel comme par impression (la sensation a souvent été regardée comme un contact) on oppose la capacité qu'a l'intelligence de construire des objets abstraits, qui ne sont pas des copies des objets réels, et de composer ces objets en systèmes qui constituent des univers autres que celui du réel. Ces constructions obéissent à des règles : les mathématiques et la logique en sont les exemples les plus achevés, mais les règles sont présentes dans toutes les constructions abstraites, composition littéraire ou artistique, jeux de toutes sortes dans lesquels s'exerce l'ingéniosité des humains.

Ces différentes caractéristiques attribuées à l'intelligence quand on l'oppose aux fonctions qui appartiennent également à l'animal n'épuisent pas le contenu de l'intelligence tel qu'on l'envisage habituellement. Il y manque l'aspect le plus noble, l'intuition, à savoir la possibilité de rassembler en un acte unique de pensée une longue chaîne de raisonnements. Si l'intuition est conçue comme l'activité la plus noble de l'intelligence, c'est qu'elle rapproche l'homme de la divinité. Dans la mesure où l'intuition permet d'échapper au successif, au fractionnement temporel qui caractérise le discursif, elle se rapproche de l'acte par lequel se définit la divinité, à savoir la saisie et l'engendrement dans un même acte de tout le divers. L'intuition est l'acte dans lequel l'homme éprouve sa parenté avec le divin, aussi comprend-on que ce soit un instant fugitif, un idéal difficile à atteindre réservé à quelques privilégiés, et qui ne peut être que le fruit d'une conquête.

Le rôle central que joue la notion d'intelligence dans la culture occidentale, pour les raisons qu'on vient d'indiquer, explique que le problème de l'intelligence continue aujourd'hui de se poser dans cet horizon. Une seule preuve : la civilisation moderne ayant produit de nouveaux êtres, les ordinateurs, qui sont capables d'activités de raisonnement et de calcul que l'homme croyait posséder en propre, beaucoup d'esprits se sont inquiétés et se sont demandé s'il convenait de qualifier d'intelligentes ces machines, et si, en réalité, l'intelligence n'est pas autre chose, ce quelque chose que ne pourra jamais réaliser une machine. L'homme ne souffre pas d'égal : l'intelligence est ce je-ne-sais-quoi par lequel il exprime sa différence par rapport aux êtres qui l'entourent.

Vue sous cet angle, l'intelligence est objet de métaphysique, non de psychologie. Comme objet de psychologie, l'étude de l'intelligence ne peut consister en autre chose que dans l'analyse d'un certain nombre d'activités. Mais, pas plus qu'aucune autre science, la psychologie ne peut engendrer son point de départ : elle est obligée de partir de quelque chose qui lui est livré, sans aucune justification psychologique. Dans le problème présent, ce dont la psychologie a hérité et ce dont elle est partie, c'est d'un certain champ d'activités que la tradition culturelle rattache à une fonction unique et auxquelles en conséquence elle applique le même qualificatif d'« intelligentes ».

On n'est pas en mesure de donner en psychologie une définition de l'intelligence. Il est possible en effet que les mécanismes qui déterminent les différentes activités que l'on s'accorde à qualifier d'intelligentes constituent des groupes de mécanismes indépendants, et il n'y aurait plus de sens alors à parler de fonction unique. En fait, il y a un certain nombre d'activités entre lesquelles on s'est accordé jusque-là à établir une parenté : on peut alors caractériser le plus précisément possible ces activités pour que l'on sache exactement de quoi on parle. Cela n'est pas une définition de l'intelligence, mais une délimitation du champ des activités auxquelles on accorde actuellement la dénomination d'« intelligentes ». C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la boutade attribuée à Alfred Binet : « L'intelligence, c'est ce que mesure mon test. » Un médecin s'est étonné, il y a quelques années, qu'on puisse prétendre mesurer ce que l'on n'a pas préalablement défini. C'est confondre la définition, qui suppose une théorie et ne peut être donnée que lorsque la science est faite, et la délimitation du champ, laquelle n'appartient pas à la science. On a commencé de guérir avant d'être en mesure de définir ce que sont la santé et la maladie (définition que la médecine n'est pas encore en état de donner). 2. Les courants qui ont marqué l'étude du problème

Depuis le moment où l'intelligence a commencé de faire l'objet d'une étude scientifique, c'est-à-dire en gros depuis la fin du xixe siècle, un certain nombre d'approches ont eu une influence déterminante sur la façon de poser le problème de l'intelligence. • Le débat sur l'origine des idées

Le débat qui a opposé, à propos de l'origine des idées, l'empirisme et l'idéalisme et qui s'est cristallisé dès l'Antiquité dans l'affrontement de l'aristotélisme et du platonisme se retrouve sous diverses formes dans l'histoire de la philosophie, en particulier dans le conflit entre les doctrines associationnistes qui ont eu l'audience la plus importante dans le monde anglo-saxon, et les doctrines aprioristes (Descartes, Kant) qui ont été dominantes en Europe occidentale. On a cru pouvoir trouver une réponse au niveau expérimental lorsque s'est imposée progressivement, vers la fin du xixe siècle, l'idée que l'étude des faits de conscience relevait de la méthode scientifique. Le postulat de base était que les démarches de l'intelligence ne pouvaient pas ne pas être transparentes à la conscience – la pensée étant, selon Descartes, ce qui se connaît le plus aisément – et qu'il suffisait d'une introspection contrôlée pour déterminer ce qui est véritablement présent à la conscience dans les opérations de l'intelligence. On a donc imaginé un ensemble de tâches simples : donner le contraire d'un mot, trouver un mot qui ait par rapport à un mot présenté la même relation que deux mots donnés, etc. On demandait au sujet d'indiquer, outre la solution, le processus mental qui lui permettait d'aboutir à cette solution. L'objectif était de déterminer si le contenu de l'acte de penser était composé seulement d'images ou s'il y avait quelque chose d'autre, une attitude, une orientation de pensée (Einstellung). En fait, le débat tourna court, car certains sujets étaient capables de déceler la présence d'images dans l'élaboration de la solution ; d'autres concluaient à la présence d'une attitude de pensée irréductible aux images, et il se révéla impossible de déterminer si l'échec des seconds à déceler des images provenait de l'absence effective d'images ou d'un entraînement insuffisant à l'observation intérieure. Si le résultat de ces recherches fut mince, leur influence fut importante, car l'idée subsista que les activités de l'intelligence relevaient de l'étude expérimentale, et l'on commença alors à s'interroger sur le bien-fondé de la méthode introspective. • La psychologie animale et le behaviorisme

Une impulsion déterminante fut donnée par l'étude de la façon dont l'animal résolvait des problèmes élémentaires tels que trouver le mécanisme permettant d'ouvrir une boîte dans laquelle il se trouvait enfermé (E. L. Thorndike), utiliser un instrument pour atteindre un appât (W. Köhler). Il apparut alors que l'intelligence pouvait être abordée à partir de la seule étude du comportement de solution (nature des différentes tentatives de solution, temps nécessaire à la solution, etc.) et il sembla tout naturel d'appliquer la même méthode à l'étude de l'intelligence humaine. On proposa donc des problèmes analogues à de jeunes enfants, des problèmes plus complexes à des adultes, en s'attachant essentiellement, sinon uniquement, à l'étude des comportements mis en œuvre pour tenter d'aboutir à la solution.

En même temps qu'une méthode, ce mouvement, connu sous le nom de behaviorisme (étude du comportement), apportait une théorie. La découverte de la solution, de plus en plus rapide au fur et à mesure des essais successifs, était attribuée à l'élimination des comportements avérés inutiles et au renforcement des comportements adaptés. Cette théorie, transposition de la loi darwinienne de sélection naturelle, permet de comprendre la genèse d'un comportement finalisé sans faire appel à un plan dirigé par une intention. Elle dispense ainsi de l'explication finaliste classique selon laquelle la solution implique la représentation du but ; ce principe nouveau aura une grande importance dans l'évolution du problème de l'intelligence. • Le développement des tests d'intelligence

L'extension rapide des tests d'intelligence à partir du début du xxe siècle est due sans conteste à des raisons sociales : nécessité d'orienter les enfants vers un enseignement adapté (tâche qui se révèle impérative dans un système de scolarité obligatoire et donc d'enseignement de masse), exigences de sélection et de formation accélérée dans le domaine professionnel. Or les tests ne se situent pas en marge de l'approche théorique de l'intelligence. Tout d'abord, ils n'auraient pu se développer sans s'appuyer au préalable sur les recherches dont on a déjà parlé : A. Binet a écrit son livre L'Étude expérimentale de l'intelligence (1903) avant d'avoir mis au point son test. De plus, l'application d'un grand nombre d'épreuves différentes à de grandes populations de sujets a permis indirectement de comparer ces épreuves et de dégager a posteriori les composantes essentielles de l'intelligence. • Les théories structuralistes

La révolution introduite par les théories structuralistes, notamment en linguistique (Ferdinand de Saussure) et en ethnologie (Claude Lévi-Strauss) a atteint la psychologie précisément à travers le problème de l'intelligence : cela a été l'œuvre de Jean Piaget. Les théories structuralistes considèrent que les conduites observables forment un système et elles se donnent pour tâche de définir les relations et formes d'organisation qui régissent ce système. À la dimension d'adaptation à la situation, privilégiée par la référence à l'apprentissage, s'ajoute la dimension de système d'opérations régies par des lois d'organisation. • L'intelligence artificielle

On désigne sous le terme d'intelligence artificielle l'élaboration de procédures automatiques de recherche de solution pour diverses classes de problèmes. Les procédures sont exprimées sous forme de programmes exécutables par les ordinateurs. Les types de problèmes auxquels ont été appliquées ces méthodes sont l'apprentissage de jeux (dames, échecs) et la démonstration de théorèmes. Depuis le début des années soixante-dix, de nouveaux domaines sont abordés : résolution de problèmes (aménagement d'horaires, optimalisation de parcours, de cycles de fabrication), diagnostic (en médecine), reconnaissance de formes et analyse d'images, reconnaissance de la parole et compréhension du langage, programmation de l'action...

La façon dont ces conduites, indiscutablement intelligentes, sont analysées et représentées dans le langage de la machine a nécessairement des répercussions sur la façon de concevoir et d'analyser l'intelligence humaine, et cela pour deux raisons. La première est que, dans bien des domaines, la mise au point de programmes intelligents repose sur l'observation de la façon dont procèdent les humains (jeu d'échecs, diagnostic médical, en particulier) et nécessite une analyse plus fine des connaissances et procédures utilisées que celle qui était pratiquée jusque-là par les psychologues. La seconde est que les techniques de simulation sont un outil très efficace pour mettre à l'épreuve les hypothèses faites par les psychologues sur les mécanismes du raisonnement. 3. Les conceptions de l'intelligence

On peut distinguer trois grandes approches de l'intelligence, qui ont abouti à trois conceptualisations : d'abord la psychométrie, ensuite la théorie structurale de Jean Piaget, enfin le traitement de l'information.

L'approche psychométrique est la plus ancienne. Elle consiste à définir les composantes de l'intelligence à partir de l'étude des différences interindividuelles. Les données de base, les performances aux tests, sont analysées au moyen de l'analyse factorielle, qui consiste à rechercher un système d'axes orthogonaux tels qu'on puisse situer par rapport à eux les différentes épreuves d'une manière qui rende compte des corrélations qu'elles ont entre elles. Les tests utilisent des questions simples, aisément quantifiables, et font l'objet d'une analyse extensive et comparative. Cette méthode a permis de dégager un certain nombre de composantes (ou facteurs) de l'intelligence : un facteur général, qui reflète le type de compétence commun aux différentes épreuves et qui est le mieux représenté par des épreuves de découverte et de combinaison de relations, des facteurs spécifiques, par exemple les facteurs verbal, numérique, spatial.

L'approche différentielle de l'intelligence met l'accent actuellement sur ce qu'on appelle les styles cognitifs. Ce sont des caractéristiques qui concernent le fonctionnement cognitif plutôt que des compétences spécifiques. Ainsi, la notion de dépendance-indépendance à l'égard du champ définit une attitude globaliste et une attitude analytique dans l'abord des situations. Dans le premier cas, l'attention est centrée sur la configuration globale des éléments, lesquels ne sont pas considérés indépendamment du contexte des autres éléments. La seconde attitude vise plutôt à distinguer, à isoler des éléments, dont on recherche ensuite comment ils sont reliés.

Selon la théorie structurale de Piaget, l'activité intelligente a sa source dans l'action : l'acte mental est une action intériorisée, une action réalisée virtuellement, représentée. À l'égal de l'action matérielle, une action mentale est une transformation qui fait passer d'un état de départ à un état terminal. Ce qui caractérise chaque stade de développement, c'est la façon dont sont organisées les actions mentales. Le moment décisif est celui où l'action mentale devient réversible, c'est-à-dire le moment où, à la transformation de la réalité que définit cette action, est associée la transformation inverse qui permet de revenir mentalement au point de départ. Cela suppose que les actions aient une structure analogue à la structure mathématique de groupe : il faut composer l'action directe avec l'action inverse pour obtenir l'opération nulle, de même que, lorsqu'on ajoute un nombre et son opposé, le résultat est équivalent à celui de l'opération nulle. C'est par l'existence de cette structure que Piaget explique l'acquisition de la notion de conservation où l'action directe et l'action inverse sont coordonnées entre elles et apparaissent comme les deux faces d'une même action.

Piaget distingue trois stades principaux : le stade de l'intelligence intuitive, caractérisé par l'absence de la notion de conservation ; le stade des opérations concrètes, qui se distingue du stade final, le stade des opérations formelles, en ce que les opérations peuvent porter seulement sur des objets matériels mais non sur des objets symboliques. La méthode d'investigation privilégiée par Piaget est l'entretien clinique, qui vise à faire un diagnostic des formes de raisonnement et permet un examen approfondi des cas individuels.

L'approche du traitement de l'information consiste à voir dans les conduites intelligentes des opérations de traitement d'information et à rechercher, pour une tâche donnée, un ensemble d'opérations de traitement qui simulent le comportement des sujets dans cette tâche. Généralement, on cherche à définir un équivalent de ces opérations à partir des manipulations d'informations que fait un ordinateur. Cela permet de construire un programme qui réalise une simulation sur un ordinateur ; et l'on peut comparer les productions du programme avec le comportement des sujets que l'on a observés. Si les sorties du programme sont suffisamment proches des actions des sujets, on considère que les mécanismes de traitement introduits dans le programme constituent un modèle plausible des mécanismes de traitement de l'individu.

Cette approche conduit à une analyse beaucoup plus poussée des opérations cognitives que dans la psychométrie ou la perspective piagétienne. Ainsi, on a pu montrer que la sériation des longueurs et la sériation des poids, qui selon Piaget relèvent des mêmes structures opératoires, ne requièrent pas en fait les mêmes opérations de pensée, dans la mesure où les comparaisons entre éléments ne peuvent être réalisées que successivement dans le second cas, alors qu'elles peuvent être faites de façon quasi simultanée dans le premier. Des inférences supplémentaires sont nécessaires, ce qui permet d'expliquer, d'une part, que les deux tâches ne présentent pas la même difficulté, d'autre part, que les procédures utilisées préférentiellement pour les résoudre ne sont pas les mêmes.

Actuellement, l'analyse des tests et l'étude du développement de l'intelligence sont reprises dans la perspective du traitement de l'information. 4. Types d'activités intellectuelles L'abstraction et la formation de concepts

Abstraire consiste à sélectionner, parmi les différents traits que peut posséder un objet, ceux qui sont pertinents pour décider de l'appartenance ou de la non-appartenance de l'objet à une classe déterminée. Les différents objets appartenant à la classe, qui est désignée par un symbole (ordinairement un mot), constituent l'extension du concept. Les traits pertinents et les relations qui existent entre eux constituent la définition du concept. Ainsi l'on peut définir le carré par la conjonction de trois traits : avoir quatre côtés, avoir des côtés égaux, avoir quatre angles droits. L'examen de la présence de ces trois traits est nécessaire pour décider si une figure donnée est ou non un carré. Un objet carré peut avoir bien d'autres traits : il peut être grand ou petit, de telle ou telle couleur, construit avec tel matériau, être épais ou mince, etc. Tous ces traits sont dits non pertinents par rapport au concept de carré : ils n'ont pas à intervenir pour décider si un objet est carré ou non.

Pour de nombreux concepts, les différents objets qui en sont des exemplaires ne sont pas équivalents pour représenter le concept, pour en donner un exemple : certains exemplaires sont prototypiques. Il arrive que certaines propriétés ne soient pas nécessaires à la définition du concept mais se trouvent plus souvent présentes que d'autres parmi les exemplaires du concept. Le nombre de pieds n'est pas pertinent pour définir une table ; néanmoins une table à quatre pieds est plus représentative d'une table qu'une table à un seul pied. Le prototype représente en quelque sorte le centre de gravité des exemplaires : c'est l'exemplaire dont la distance moyenne aux autres est la moindre.

Beaucoup de concepts sont définis à partir d'autres concepts ; c'est le cas, en particulier, des concepts scientifiques. Les concepts mathématiques en sont les exemples les plus remarquables, puisqu'ils font l'objet d'une définition constructive : ils sont définis à partir de primitives, d'éléments déjà définis et de relations entre ces différents éléments.

Les autres sciences procèdent de façon analogue. Il peut y avoir de profondes divergences entre le concept scientifique et les conceptions spontanées, lesquelles sont acquises à partir d'exemples et reposent en général sur des prototypes. Ainsi, la division est souvent conçue comme une opération produisant une quantité plus petite (à cause du prototype du partage, alors qu'en mathématiques la division exprime le rapport de deux quantités, de sorte que le quotient peut être supérieur au dividende : c'est le cas si le diviseur est inférieur à 1). • Le raisonnement inductif et la découverte de règles

Le raisonnement inductif consiste à chercher des relations entre observations de la forme : ceci est une condition nécessaire de cela. C'est un long processus comportant plusieurs étapes, dont la première est la formation d'hypothèses : à partir de ce qu'on sait déjà ou de ce que l'on a observé, on formule une relation. Par exemple, pour qu'une plante puisse pousser, il faut nécessairement de la terre – ou, de façon équivalente : s'il n'y a pas de terre, alors la plante ne pousse pas. En deuxième lieu, intervient le recueil d'observations en vue de tester l'hypothèse. Cela consiste à rechercher s'il existe une situation telle que la condition définie par la partie de l'énoncé qui précède « alors » soit vraie et que la conséquence exprimée par la partie de l'énoncé qui suit « alors » soit fausse. On peut faire cette recherche en explorant les situations qui existent (observation) ou en construisant artificiellement cette situation, par exemple en mettant des graines dans du coton humide (expérimentation). Enfin, on fait le test de l'hypothèse ; cette opération consiste à conclure à la compatibilité ou à la non-compatibilité de l'hypothèse avec les données. On est dans ce dernier cas si, par exemple, on constate que les graines ont germé. Alors on examinera s'il n'y a pas d'artefact expérimental (par exemple, s'il n'y a pas de trace de terre). Si ce n'est pas le cas, on rejettera l'hypothèse. Si les observations sont compatibles avec l'hypothèse, on maintient cette dernière. On lui accorde d'autant plus de confiance qu'elle s'est révélée compatible avec une gamme plus large d'observations, sans exclure qu'elle puisse être remise en cause par d'autres observations. • Le raisonnement déductif

Le raisonnement déductif consiste à déduire d'un ensemble d'informations une information nouvelle. Ce type de raisonnement n'est pas réservé au domaine scientifique ; il est constamment mis en pratique dans la vie courante. Par exemple, si je sais qu'il a plu sur la Bretagne ce matin, je peux en déduire que mon ami qui est venu de New York en avion n'a certainement pas vu les côtes de Bretagne. Une déduction repose sur des connaissances (s'il pleut, alors il y a des nuages ; s'il y a des nuages, il n'y a pas de visibilité) et sur des principes généraux de raisonnement. Ces derniers concernent des propositions (par exemple si a est vrai et si a implique b, alors b est vrai) ou des relations (par exemple, si a est plus grand que b et b plus grand que c, alors a est plus grand que c). La logique est la science des règles générales du raisonnement. Il est important de noter que le raisonnement déductif intervient dans le raisonnement inductif au moment où on conclut sur l'hypothèse. • La solution de problèmes

Un problème peut être caractérisé de la façon suivante :

– il existe une situation terminale qui constitue la situation à laquelle on doit aboutir, le but ;

– on donne une situation de départ, faite d'un ensemble de contraintes, qui constituent les données du problème ;

– il n'existe pas de moyen de passer directement de la situation initiale à la situation terminale, mais il faut engendrer à l'aide des actions licites une suite de situations intermédiaires telles que la dernière de celles-ci permette de passer à la situation terminale.

Souvent, le problème se rattache à une classe de situations connues : il en est ainsi lorsqu'on a à résoudre un problème de mathématiques appartenant à une classe définie, lorsqu'on joue au bridge ou aux échecs. On peut alors distinguer plusieurs cas possibles :

– il existe pour la classe de problèmes définie une procédure de solution constituée d'une suite finie d'étapes qui permet d'atteindre avec certitude la situation terminale : c'est ce qu'on appelle un algorithme. Pour résoudre le problème, il suffit d'identifier la classe à laquelle appartient le problème et d'appliquer la procédure correspondant à cette classe. Ainsi, pour résoudre l'équation x2 + 2 x − 3 = 0, il convient d'abord de déterminer de quel degré est l'équation ; une fois qu'on l'a identifiée comme étant du deuxième degré, on regarde si le déterminant est positif, et, dans l'affirmative, on applique la formule permettant de calculer la valeur des racines ;

– il n'existe pas d'algorithme pour la classe de problèmes considérée, mais on dispose de règles qui, sans être infaillibles, conduisent généralement à une situation à partir de laquelle la solution est plus facile. Ainsi, lorsqu'il s'agit de démontrer que deux droites sont perpendiculaires, on explorera les diverses conditions entraînant cette propriété : hauteur d'un triangle, triangles rectangles, angles opposés par le sommet à un angle droit, etc. On examine si chacune de ces conditions est contenue dans les données ou peut être déduite des données ; si c'est le cas, on essaiera de démontrer que la condition est réalisée et qu'elle implique que les angles sont droits. Ces règles constituent ce que l'on appelle une heuristique. On en trouve de multiples exemples dans les jeux de société : ainsi, au bridge, on conseille de jouer « honneur » sur « honneur », ou de jouer dans la couleur forte du « mort » si on joue avant le « mort ».

Il arrive aussi que le problème soit totalement nouveau et qu'on ne puisse pas le rattacher à une classe connue ; il faut dans ce cas inventer une solution.

Une notion fondamentale pour comprendre et analyser la recherche de solution est celle de représentation du problème. On entend par là l'interprétation que l'on fait des différentes composantes du problème, laquelle va déterminer le domaine à l'intérieur duquel se fera la recherche de la solution. La représentation du problème est constituée par les informations que l'on prend en compte dans les données du problème, qui constituent la situation de départ ; les actions ou transformations de la situation que l'on considère comme possibles ; l'objectif que l'on se fixe. Tout changement dans l'interprétation de ces composantes produit un changement dans la représentation du problème. Ainsi, on peut s'apercevoir : que l'on n'avait pas pris en compte une information ; qu'il est possible de se donner un but intermédiaire et par là de se fixer comme objectif, dans une première étape, de l'atteindre et de remettre à plus tard la recherche du but ultime ; que l'on avait donné une interprétation trop restrictive des actions permises. Considérons, par exemple, le problème suivant : on a neuf points disposés en carré, joindre tous ces points sans lever le crayon et en ne faisant que quatre segments de droite. On peut interpréter : il faut que les extrémités des segments soient des points. En ce cas, on trace des segments qui restent à l'intérieur du carré. Il n'y a pas de solution dans ce cadre de recherche. On peut alors, au bout d'un certain nombre d'essais infructueux, remettre en cause l'interprétation : les extrémités des segments ne sont pas nécessairement les points, il suffit que les points soient sur le segment. On procède à de nouveaux essais dans lesquels on prolonge les segments à l'extérieur du carré et alors on peut aboutir à la solution. • Le raisonnement et la construction de systèmes formels

L'homme construit des systèmes matériels qui fournissent la solution à un certain nombre de problèmes. Ainsi, ayant à lever un poids à une hauteur trop grande pour qu'il puisse y parvenir en le soulevant, il utilise une poulie qui transforme une traction vers le bas en une traction vers le haut. Dans ce système, on peut voir immédiatement si la solution proposée est valide ou non : il suffit de vérifier si l'état auquel on a abouti est l'état terminal que l'on souhaitait. Mais l'homme construit aussi des systèmes formels dont les éléments, ainsi que les relations qui les relient, sont abstraits. Un système formel se présente comme un ensemble de propositions que l'on se donne au départ (axiomes ou postulats), et d'un autre ensemble de propositions qui sont dérivées des premières (théorèmes, conséquences). Les systèmes mathématiques, les théories physiques, chimiques, biologiques et autres sont des exemples de tels systèmes. Les systèmes non matériels relevant de l'intelligence se distinguent des systèmes non matériels relevant de l'imagination (créations poétiques, artistiques), en ce qu'ils sont soumis à des critères de validité, tout comme les systèmes matériels.

Les systèmes formels que l'homme édifie sont utilisés par lui comme des modèles de la réalité : ils lui servent à prévoir les phénomènes engendrés par les systèmes qu'il n'a pas créés (éclipses, marées, météorologie) et à étudier comment se comporteront les systèmes matériels qu'il se propose de construire (barrages, véhicules spatiaux). On s'épargne ainsi une grande part des tâtonnements qui interviendraient dans la construction d'un système matériel, et, à la limite, le fonctionnement d'un système très complexe constitue un test des théories scientifiques sur lesquelles repose sa construction. • La gestion des activités cognitives

Cette composante de l'activité cognitive, qui a été longtemps négligée, tend à apparaître désormais comme la plus importante. La forme la plus connue est la planification de l'action. Elle consiste à envisager les différentes façons possibles d'obtenir le résultat souhaité puis, cela fait, de déterminer pour les différentes éventualités quelles sont les autres actions qui doivent être réalisées préalablement à l'action ultime. Si je veux aller de Paris à Lyon, je dois choisir entre le train, l'auto et l'avion. Si je décide de prendre le train, je dois faire une réservation. Je peux faire cela par correspondance ou me rendre à la gare ou passer par une agence de voyages. Supposons que j'opte pour la dernière solution : il me faudra donner la date et l'heure du train, il faudra donc préalablement consulter les horaires, il faudra que je paie, il faut donc qu'avant de sortir je prenne mon carnet de chèques... Même pour une activité simple, l'organisation de l'action suppose un travail cognitif important. Ce dernier passe inaperçu pour les actions familières, car on se réfère dans ce cas à des schémas habituels qu'il n'est pas nécessaire de réinventer chaque fois. Mais il pose des difficultés réelles et souvent importantes, dès que l'on sort du cadre des actions coutumières.

L'instance de gestion et de contrôle ne concerne pas seulement l'ordonnancement des actions impliquant la motricité ; elle s'applique aussi au travail purement cognitif. Dans une situation donnée, vaut-il mieux examiner si l'on peut déduire quelque chose de plus des informations que l'on a ? vaut-il mieux attendre d'avoir plus d'informations ? vaut-il mieux chercher à faire une hypothèse et agir en fonction de cette hypothèse ? La moindre tâche exige beaucoup de décisions de ce type, dont, en général, nous ne sommes pas conscients, mais qu'il est nécessaire de prendre en compte si l'on veut faire une théorie du fonctionnement intellectuel.

Quand on met en relation les performances aux tests d'intelligence et les performances dans la solution de problèmes inhabituels, on constate, certes, des corrélations, mais celles-ci sont seulement de valeur moyenne en général, rarement fortes. Ce résultat, qui intrigue beaucoup les psychologues, pourrait s'expliquer par le caractère trop limité et trop fragmentaire des tâches utilisées dans les tests. Ces tâches sont sans doute une bonne mesure des compétences de base, mais elles ne font pas appel de façon majeure aux capacités de gestion et d'organisation de l'activité. On peut prévoir que l'étude du fonctionnement intellectuel amènera à réexaminer le problème de la mesure de l'intelligence. 5. L'intelligence de l'homme et celle de la machine

La question des rapports entre l'intelligence humaine et l'intelligence de la machine soulève des débats passionnés, qui souvent restent purement idéologiques. Il convient d'abord de se demander pourquoi on voit là un problème. La raison semble simple. Comme on l'a dit plus haut, l'intelligence est définie par différence : différence soit par rapport aux autres espèces, soit par rapport aux semblables (ainsi s'explique la conception de l'intelligence comme mesure d'excellence, qui est à la base de la psychométrie). Il y a un problème parce que l'homme voit reculer constamment les limites de sa spécificité. On pensait que raisonner était le propre de l'homme, or la machine peut désormais démontrer des théorèmes ; on pensait que trouver des solutions inédites restait son privilège, or les machines commencent à le faire. On peut se consoler en pensant que l'homme a, au moins, en propre de pouvoir apprendre et d'être capable de modifier ses modes de pensée. Mais cela même n'est plus très sûr, dès lors que l'on commence à concevoir et à réaliser des programmes dans lesquels sont introduits des principes qui permettent de modifier leurs connaissances et leur fonctionnement.

Exprimée en ces termes, la question devient un faux problème. Inévitablement, mieux l'homme connaîtra son propre fonctionnement et plus reculeront les limites de ce que l'on appelle l'intuition. Les programmes seront plus performants, puisque la gamme des mécanismes de traitement se trouvera enrichie et que, par ailleurs, la machine ne souffre pas des mêmes limitations que l'homme (en particulier, du côté de la capacité de la mémoire de travail). Mais, à la vérité, nul ne peut dire ce qu'est l'intelligence de l'homme ni ce qu'est celle de la machine, car précisément elles évoluent l'une et l'autre. L'intelligence de la machine évolue grâce à l'homme, cela va sans dire. Mais, réciproquement, l'intelligence de l'homme évolue grâce à la machine : de nouveaux modes de pensée se développent sous l'influence de ce que l'on peut faire faire par la machine. Dès maintenant, l'approche des problèmes de combinatoire et de calcul numérique est profondément modifiée par l'utilisation des ordinateurs. Plus généralement, on peut considérer que, jusqu'à présent, ont été privilégiées les connaissances concernant la structure des systèmes, donc les connaissances relationnelles, dont les axiomatiques mathématiques sont l'exemple le plus achevé. On n'avait pas jusque-là de bon outil pour penser le fonctionnement des systèmes : les techniques de simulation constituent une révolution qui probablement prépare de nouvelles formes de pensée.